Michelangelo Antonioni ou un cinéma sur l'incommunicabilité

Par Abarguillet

  


Né à Ferrare, dans le nord de l'Italie, le 29 septembre 1912,  Michelangelo Antonioni, après une licence à l'Université de Bologne, rédige des critiques de films et de pièces de théâtre pour un journal, avant de s'inscrire à une école de cinéma " Centro Sperimentale". Peu après, il commence à rédiger des scénarii pour Rossellini et Fellini avant d'être l'assistant de Marcel Carné dans Les visiteurs du soir. Ces expériences successives l'incitent bientôt à réaliser, pour son propre compte, des documentaires et des courts métrages comme  Les gens du Po  ( 1943 ) ou  Nettoyage urbain  ( 1948 ) avec quelques points communs inévitables avec le mouvement néo-réaliste mené par Rossellini, dont il s'éloignera très vite pour imposer sa propre vision des choses et son style particulier.

C'est en 1950 que le cinéaste signe son premier long métrage  Chronique d'un amour et dévoile son goût pour la psychologie des personnages. Suivront  Les vaincus  ( 1952 ),  La dame sans camélias  ( 1953 ),  Femmes entre elles  ( 1955 )  et  Le cri  ( 1957 ), qu'il construit tous sur le même modèle, celui d'une narration presque exclusivement introspective qui lui permet d'évoquer la solitude des êtres, une récurrente angoisse et la dissection du malaise contemporain.

Mais Antonioni est avant tout l'homme d'une trilogie étonnante avec L'avventura ( 1960 ),  La Notte  ( 1961 )  et  L'éclipse  ( 1962 ), réflexions particulièrement fines et intelligentes sur la difficulté des rapports humains et la fragilité des sentiments. Avec sa muse et compagne Monica Vitti, il s'affirme dans un style psychanalitique qui démontre que l'être n'agit que pour se voir agir, afin de devenir le spectateur privilégié de lui-même. Si bien que pour traduire sa pensée, il a recours à des images volontairement objectives à la façon d'un constat et, ce, très différemment d'un Fellini qui privilégie le rêve et le fantasme. Mais la sobriété de sa mise en scène, le poids de ses images qui s'éternisent sur les visages comme sur des icônes ne cesseront jamais de m'émerveiller.



Par ailleurs, Antonioni ne va pas se contenter de tirer les conséquences d'une expérience qui pouvait être capitale pour ses personnages, il cherche à signifier de quelle manière elle l'a été et s'intéresse surtout à ce qui va se produire ensuite et si cette absence est l'absence de l'autre ou,  plus généralement, l'absence de soi. Ainsi se focalise, à travers des films comme Blow up  ( 1966 )  Le désert rouge  ( 1964 ), Zabriskie Point  ( 1970 ), une oeuvre singulière qui traite de notre inadaptation au monde, de notre séparation d'avec lui et de sa reconquête possible à travers une re-coloration créative de l'univers. Est-ce la raison pour laquelle, il se réfugiait volontiers, depuis son accident cérébral survenu en 1985, dans le monde coloré des collages et mobiles ?
Cinéaste cérébral, sans aucun doute, ce qui faisait de lui un réalisateur assez marginal - il avait néanmoins accédé, grâce à son talent et à son originalité et malgré ce qu'il pouvait y avoir d'hermétique dans son oeuvre, à la consécration internationale : Lion d'or à Venise, Palme d'or à Cannes ; de même qu'il exercera et exerce toujours une influence indiscutable sur les jeunes générations.  Car, ce que ce cinéaste critiquait amèrement, ce n'était pas le monde en lui-même, mais nos incohérences, notre permanent mal-être, comme s'il y avait de notre part, pauvres humains, une inadéquation entre nos aspirations modernes et nos névroses chroniques qui nous rendent inaptes à réaliser les mutations nécessaires. Cette oeuvre se singularise aussi par son dualisme avec, d'une part, le poids incessant du passé, les fatigues du monde et la psychose moderne et, d'autre part, notre cerveau capable de créativité et le nouvel espace-temps dont les puissances sont multipliées par les cerveaux artificiels. Quoi qu'il en soit, grâce à lui, nous conserverons en mémoire quelques-unes des plus belles pages du 7e Art.


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