Hier je me suis rendue à un vernissage. Quel bonheur, j’adore ça. Une façon d’aborder la culture autour d’une petite coupette de champagne.
Le vernissage c’est aussi l’occasion de rencontrer des gens de divers horizons, de diverses cultures et de voir et d’admirer le beau, le parfait, le sublime.
Bref tout commençait super bien et cette perspective me réjouissait au plus haut point.
Donc me voici, le cœur vaillant et le bagage mince en vadrouille pour aller observer cette exposition de Paris photo 2008. (Spéciale Japon)
La photo c’est l’avenir de l’art me semble t’il. Prendre un cliché, une âme, des lumières, retranscrire un état d’esprit, prendre sur le vif. Quelle exaltation !
Tout cela aurait pu être so fabulous et pourtant…
Pourtant je n’ai pas eu cette émotion, une certaine colère s’est emparée de moi, silence, observation, consternation.
Pourquoi ?
D’abord pour un vernissage ultra private c’était plutôt portes ouvertes au tout venant. C’était pire qu’aux heures de pointe dans le métro c’est pour vous dire l’importance du dit événement. Ultra hype de hype !
Ensuite, parlons du contenu, oh les jolies photos, vraiment ravissante cette jeune fille nue bardée de cordes autour de la poitrine ? Une séance de bondage
Et cet homme qui se masturbe vraiment plaisant ça fait rêver !
Non il faut dire qu’il y avait d’autres sujets qui méritaient le coup d’œil. Du noir et blanc, un travail sur l’effet du soleil sur notre rétine optique. Du concept, de l’art comme ils disent ces gens avertis.
« Toi tu as l’œil mon coco », « Votre travail est tout simplement sublimissiiiime ».
Et tout ces people, le gratin du gratin je vous assure, frangée à souhait, manucure impeccable, costume 3 pièces pour les hommes, téléphone à la main en direct des galeries d’art passant commandes sur commandes. Ouh là c’est du lourd je vous avais prévenu !
Bien sûr c’est sans compter, les « ah tu vas bien ma chériiiiiiiiiie », « tu as vu le travail de Kigouso Sakatochi ? ».( !?$ ?) Une incroyable frénésie s’est emparé du salon, les discussions vont bon train et les égos semblent ne plus passer les portes, vont-ils se faire des nœuds au cerveau ? C’est là toutes mes interrogations. Vraiment INCROYABLE.
J’en reste sans voix.
Mais je continue, je m’accroche, je mire ces innombrables photos, ces artistes inconnus ou en devenir ou parfois même ultra tendance. Les futurs ténors de l’art photographique. Il faut bien avouer qu’un certain engouement des gens pour cette pré-ouverture montre bien que l'art de la photo commence à gagner du terrain sur celui de la peinture.
On voit de plus en plus de gens commençant à s'y intéresser. Tout cela, grâce au web, au numérique aux bloggeurs photographes semi-pro et la démocratisation des prix des appareils photo.
Non ça c’est vrai je suis tout à fait d’accord, j’aime et j’apprécie le travail, l’œil du photographe qui veut faire passer un message, dénoncer certains faits de société, mettre en valeur, héritage historique…
Tout cela est bien honorifique ce qui l’est moins c’est l’indécence tarifaire des œuvres qui frôlent l’hystérie. Lorsqu’on dit que l’art est accessible à tous et que l’on démocratise cette branche culturelle, il reste pourtant une poignée d’irréductibles « intellos » qui se crée un ghetto de riches où l’art n’est accessible que pour eux et par eux. (Compter en moyenne 900 euros pour une photo format carte postale et environ 63000 euros pour un cliché 100x100.) Achetez et alors là vous deviendrez vraiment l’élite la caste des meilleurs.
Il y a de quoi se poser des questions. Qu’est ce qui fait la valeur d’un tel bien ? Le sujet, la notoriété de l’artiste (inconnu en ce qui me concerne… seulement réservé par une communauté de happy few qui auront la délicieuse occasion de contempler la photo dans leur villa ou penthouse vue sur mer), ou alors est-ce le concept ? Une vraie recherche spirituelle et profonde d’un artiste torturé qui aura mis toute son âme et son cœur dans son travail. Ce qui me fait penser que moi aussi, j’ai de superbes photos pour lesquelles j’ai trouvé un concept, réfléchi pour choisir le meilleur angle, la meilleur lumière. Est-ce pour autant que je vendrai mon œuvre à 6000 euros (je ne suis pas gourmande en comparaison des artistes situés plus hauts) ?Je reste perplexe…
Evidemment si vous n’avez pas la chance d’être invitée comme moi, il vous restera l’option découverte de l’Art. Une entrée à 15 euros ce qui soit dit en passant est tellement dérisoire par rapport au prix des œuvres qu’il n’y aurait aucune excuse pour s’en passer ! L’art étant accessible à tous et surtout aux plus riches !
Voilà je crois que j’en ai terminé, cette petite mascarade a assez duré, nous essayons de nous frayer un passage vers la sortie bien encombrée, trop peut être. J’ai la tête qui tourne.
J’ai le sentiment d’être une vulgaire spectatrice qui n’y connait rien. « Tu vois il faut être avertie et aguerrie pour comprendre… »« T’as rien compris »
« Oui peut être t’as raison j’ai sans doute pas la fibre… » L’art est accessible à tous c’est sûr !