Dieudonné
Le secrétaire général de l’Elysée Claude Guéant a réitéré lundi dernier son souhait de voir les listes européennes « antisionistes » de Dieudonné interdites, se demandant si « les citoyens français vont participer au financement de listes qui professent de telles attitudes. »
Erich Inciyan et Mathilde Mathieu du site Mediapart font judicieusement observer :
« Depuis dimanche 3 mai, Claude Guéant a fait de la probable candidature de Dieudonné aux européennes son nouvel épouvantail. Aucune liste n’a encore été officiellement déposée par «l’humoriste», mais cette polémique vient à point pour l’Elysée: elle détourne le regard des réalités sociales, et pourrait plonger la gauche, divisée sur l’antisionisme, dans l’embarras. »
Au-delà du cas Dieudonné, rappelons, une fois de plus, que les mots ont un sens.
L’antisionisme est le rejet d’une idéologie politique : le sionisme. Le sionisme, pour faire bref, soutient que les juifs sont un peuple et ont donc le droit à leur autodétermination dans leur propre foyer national. Il vise à fixer et à soutenir un foyer national légalement reconnu pour les juifs dans leur patrie d’origine (Israël) et à lancer et stimuler une renaissance de la vie, de la culture et de la langue nationale juive (hébreu).
L’antisémitisme désigne la discrimination, l’hostilité ou les préjugés à l’encontre des juifs. Il se caractérise par une volonté claire d’ostraciser, de pourchasser, voire d’exterminer les juifs perçus en tant que corps étranger à une nation, à un peuple, à une société. L’antisémitisme peut se fonder sur des « arguments » religieux, économiques, sociaux, raciaux, etc.
L’antisionisme est donc une opinion politique tandis que l’antisémitisme, dès lors qu’il se manifeste publiquement par des propos ou des actes, est un délit (en plus d’être une forme de paranoïa). Ce qui explique que l’on peut être juif tout en étant antisioniste et hostile à la politique impérialiste d’Israël.
Ce n’est donc pas du tout la même chose même si, pour en revenir au cas de Dieudonné (et de ses amis), il y a probablement l’entretien volontaire d’une ambiguïté que seul l’examen attentif de ses déclarations, de ses faits et gestes, peut contribuer à dissiper.
Car, justement, la loi pénale ne punit pas l’ambiguïté, mais les faits avérés. Elle ne punit pas davantage les idées (même les plus délirantes).
Par exemple, la loi ne punit pas les envies de meurtre que l’on peut éprouver dans son for intérieur, mais les appels au meurtre, les tentatives de meurtre, les complicités de meurtre et, bien entendu, le meurtre lui-même.
La loi punit donc les manifestations d’antisémitisme (propos, actes, etc.). Elle n’interdit pas le fait qu’on puisse être antisémite.
En d’autres termes, dans une démocratie, la loi ne s’immisce pas dans les consciences. Elle n’indique pas ce qu’il convient de penser ou de croire, mais de faire ou de ne pas faire.
Elle fixe des règles et des cadres juridiques pour assurer une coexistence la plus harmonieuse possible entre les individus d’une société donnée.