Je suis assis sur la chaise. La chaise, seul meuble de l’appart. LA chaise. C’est une chaise blanche qui trainait sur le pallier et qu’on a adopté. À force. Qu’elle a adopté. Moi je ne voulais pas. Je fais mon thug, mais je tremble chaque fois que je suis assis dessus, la peur. Le propriétaire va la réclamer, c’est certains. On a un matelas et cette chaise blanche, c’est pratique pour mater des séries. On pose l’ordi dessus. Moi, tout seul, ça me suffirait, je ne vivrais avec rien de plus : Un matelas, une chaise, un peu de wifi volé, un salon pour coller du bristol aux murs. Lundi, on a trainé dans Ikea quand même. La région parisienne a cette qualité d’avoir des centres commerciaux disponibles jusqu’à 22 heures. Presque aussi bien que les putes de ma région. Je suis naïf devant ça, hein. Plus jeune, là où j’ai grandi, après 20 heures, c’était : on annule la soirée OU on se cotise pour acheter une mignonette de vodka chez le rebeu.
J’ai avalé mes quatre hotdogs, 50 centimes à Ikea. Regardé les meubles, noté les noms que j’ai oublié aujourd’hui. Je n’ai retenu que les prix. Quand je suis assis sur la chaise j’ai l’air d’être le patron. J’espère qu’on la gardera, j’espère qu’on gardera ce symbole, celui qui parle, qui travaille, est assis sur la chaise. Les autres sont par terres. Je pose les bases de mes valeurs familiales sur la chaise. À savoir : Mes fesses. Je pose mes putains de fesses sur une putain de chaise et j’ai l’impression d’être le vieux chef de la tribu, un os dans le nez : Stéréotypes colonialistes, la fenêtre ouverte, toujours. Je grelote. Il est 23h45.
Finalement, les enfants sont les moins dérangeants quand on vit dans une école. Ils dorment encore que je suis déjà dans le RER. Ils dorment déjà que je suis encore dans le RER.
Il fait froid, ce n’est pas encore l’été, je ferme la fenêtre. Elle dort à mes pieds, je raconte quand même ma journée. Les cours, pas trop. Ce qu’il y a autour, tout le temps. Je lui parle de twitter comme on parle d’un programme télé, “et sinon vincent glad il a encore mis un lien, je te dis pas, attends, regarde ça”. Elle dort. On a fait l’amour avant de manger. C’est pour ça que j’écris : Décontracté. C’est la première fois que j’écris avec elle, juste à côté. Je la regarde dormir mais je ne la vois pas. Mon sperme coule sur le matelas, on n’a même pas mis de draps. Je comprends pourquoi ma mère, plus jeune, me faisait chier avec ça, mettre des draps. Quand notre mère n’est plus là, on n’a qu’une envie : Dormir sur un matelas découvert. Jusqu’à que son sperme finisse de le recouvrir. Les lumières de la ville sont orangés et cela ne m’aide pas à trouver le sommeil, je viens de sucer 2 Sedatif PC, mes derniers. Cela ne fait aucun effet. C’est à peine plus onéreux qu’un Mentos. Sur Doctissimo, une mère dit qu’elle refile ça à son enfant de quatre ans, agité. Moi quand j’étais agité, ma mère me balançait dans la baignoire et ouvrait l’eau glacé. Ça marchait. Je retire mes vêtements. Je file sous la douche.