M. Franck Riester est le rapporteur du projet de loi « Création et Internet ». Il a répondu le 28 avril aux questions du site LePoint.fr. Cet entretien m’a inspiré les remarques suivantes :
1) Interrogé sur le fait que, contrairement à ce qui avait été prévu au départ, l’abonnement Internet demeurerait perçu même pendant sa suspension, M. Riester élude la question : « On arrive à une synthèse [entre les deux Chambres du Parlement] et cette synthèse veut que le paiement de l’abonnement continue même pendant la suspension de l’abonnement ».
En fait, une synthèse est bien incapable de vouloir. Ce sont plutôt nos honorables ( ?) parlementaires qui ont voulu épargner aux opérateurs la perte de revenu et le souci de l’interruption de la perception de l’abonnement Internet. Ces mêmes opérateurs ne répugnent pourtant pas à diversifier sans cesse leurs contrats, même s’il leur faut en conséquence modifier leurs programmes de facturation. Ces parlementaires chargés de définir la Loi peuvent-ils nous dire au nom de quoi un prestataire, quel qu’il soit, aurait le droit de facturer un service non rendu ? S’agit-il d’ajouter à la suspension la sanction d’une amende, qu’on avait précédemment écartée comme non égalitaire ?
2) Quand on demande à M. Riester comment la France pourra ignorer le rejet par l’Union européenne, de la suspension de connexion, l’UE considérant l’accès à l' Internet comme un droit fondamental, il répond : « On est en droit de penser qu’Internet, même si c’est une commodité essentielle, ce n’est pas un droit fondamental ». Pour ma part, je me sens en droit de penser que ne pas être capable de s’exprimer en Français devrait vous conduire à ne pas exercer la fonction de député et encore moins de rapporteur d’un projet aussi sensible. Tout d’abord, l' Internet, n’est pas un droit mais un réseau permettant la connexion d’ordinateurs aussi nombreux que divers. Ensuite, notre ami Franck ignore sans doute ce qu’est un oxymore mais il vient d’en formuler un exemplaire en parlant de commodité essentielle : un élément essentiel ne peut être tenu pour une commodité.
3) Quand on lui oppose l’amendement 46 au Paquet Télécom en cours d’adoption par l’UE qui précise qu’une sanction ne peut être décidée que par une autorité judiciaire et non par une autorité administrative, M. Riester a cette réponse incroyable : « Il [cet amendement] n’aura pas d’impact juridique puisqu’ on peut considérer que l’Hadopi est une autorité judiciaire ». Pour rester correct, je m’abstiendrai d’indiquer comment on peut considérer le législateur proférant une telle sottise.
On peut trouver sur I’ Internet les réponses fournies par nos députés à la question : qu’est-ce qu’une connexion peer to peer (entre pairs). Elles témoignent de leur méconnaissance de l’aspect technique du sujet qu’ils prétendent réglementer. Mais je les excuse bien volontiers. Leur activité les conduit à aborder tant de secteurs qu’on ne peut leur demander d’être techniquement compétents sur tous. Par contre, il est un domaine qui leur appartient en propre, celui de la Loi. Tout professionnel qui se respecte a à cœur de se former au métier qu’il exerce. Le métier de parlementaire, ce n’est pas de se faire élire ou, encore pis, réélire, c’est d’être un législateur.
M. Franck Riester dirige une concession automobile, c’est bien évidemment un métier des plus honorables, mais qui ne le prépare pas particulièrement à fonder le droit. Au lieu de se consacrer à la direction de la campagne de l’UMP pour les Européennes, il ferait bien de s’employer à combler les lacunes énormes que laissent apparaître ses propos de bateleur.