Bourne et Bourne et ratatam. Après les ennuyeux re-retours de Jack Sparrow, Peter Parker et Shrek, voici venu le "numéro 3" le plus attendu de l'année (par les gens d'esprit, en tout cas). Qui dit grosse attente dit souvent grandes déceptions ; c'est mal connaître Paul Greengrass et Matt Damon, qui offrent à la trilogie la plus excitante de l'histoire (si si) une fin à la hauteur de nos espérances les plus folles.
La vengeance dans la peau se distingue des deux excellents films précédents par plusieurs aspects. D'abord un rythme encore plus soutenu, le fabuleux Tony Gilroy étant miraculeusement parvenu à transformer des scènes nécessairement explicatives en petits moments de grâce, de suspense ou d'action pure et dure (voire même les trois à la fois). Pas un temps mort ne vient nuire à la continuité d'un récit qui prend à la gorge dès les premières images, le style saccadé (mais pas épileptique, prends-en de la graine Michael Bay) de Greengrass étant le parfait révélateur des angoisses de Bourne. Dès la scène d'exposition, on nage en pleine course-poursuite ; celle-ci, haletante, ne se terminera que deux heures plus tard. Côté tempo, il y a de quoi faire honte aux producteurs de 24 heures chrono (qui auront bien du mal à faire mieux pour le passage de Jack Bauer sur grand écran). Tout comme au niveau de l'intrigue : resserrée, parvenant à jouer à la fois la carte de l'intime et celle de l'explosif, c'est la parfaite synthèse de la quête d'identité entamée par Bourne lors du premier volet. Un Bourne plus affûté mais aussi plus meurtri que jamais, auquel Matt Damon prête une fois encore son talent, montrant que l'on peut être à la fois bourrin et cérébral sans que cela pose le moindre problème.
James Bond et les autres peuvent définitivement aller se rhabiller : Jason Bourne est bien le roi des agents (plus ou moins) secrets. Et la trilogie qui lui est consacrée est à la heuteur de son personnage, parvenant à s'inscrire dans une indéniable modernité sans jamais sacrifier à la gadgetisation permanente ni à la grandiloquence primaire. La vengeance dans la peau est la preuve qu'un divertissement peut satisfaire le spectateur-consommateur comme le cinéphile le plus exigeant (qui a dit casse-bonbons?). Hanté par le chiffre 3 (avec ses poursuites en triangle, sa triplette de bad guys...), le film de Greengrass est une petite merveille d'équilibre, le parfait balancier entre la frénésie inquiète du numéro 1 et le jeu de massacre dépressif du suivant. Mille milliards de bravos.
9/10