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Juan Carlos Hidalgo – Le 5 mai 2009. L’élection présidentielle de ce dimanche au Panama a été quelque peu ignorée, notamment aux Etats-Unis et même en Amérique latine. Pourtant cette élection compte. Le candidat d’opposition, l’entrepreneur Ricardo Martinelli, a nettement devancé la candidate du parti au pouvoir, Balbina Herrera, en remportant 60% des voix. M. Martinelli est le cinquième président depuis que le gouvernement constitutionnel civil a été rétabli en 1989. Le Panama peut se targuer aujourd’hui d’avoir des institutions démocratiques saines et la campagne s’est déroulée comme n’importe quelle autre dans une démocratie avancée. C’est un changement appréciable en comparaison avec l’autoritarisme de Manuel Antonio Noriega il y a vingt ans.
L’économie du Panama s’en sort plutôt bien depuis quelques années. Entre 2003 et 2007 son PIB par tête a crû au rythme de 6,8 % l’an, soit le taux le plus élevé en Amérique latine durant cette période. Il a fait donc mieux que le Pérou, autre pays ayant libéralisé son économie de manière significative ces deux dernières décennies. Si l’extension du canal de Panama permettra probablement à l’économie d’être encore plus dynamique, la croissance panaméenne repose essentiellement sur les efforts entrepris pour libéraliser le commerce et réduire les barrières administratives à la conduite des affaires.
Il est vrai que Martinelli a fait des promesses perçues comme populistes, telles que la création d’un cabinet ministériel pour la population « indigène » ou l’octroi de pensions à chaque citoyen âgé, même ceux qui n’ont pas contribué au système de sécurité sociale. Mais son projet comprend de nombreux éléments de saine politique économique, tels que la réduction ou l’abolition de certains impôts contreproductifs, la continuation des efforts pour réduire la corruption, l’abaissement unilatéral des barrières commerciales, et la suppression des subventions à l’énergie.
La proposition la plus significative est cependant l’introduction d’un impôt proportionnel (la flat tax) qui, si cette mesure est appliquée, ferait du Panama le premier pays en Amérique latine à l’instituer. Une flat tax débarrasserait le pays de la complexité du système fiscal actuel, réduirait la fraude et l’évasion fiscales, et dynamiserait sa compétitivité.
Par ailleurs, l’introduction d’une flat tax dans un des pays latino-américains initierait certainement un effet domino dans la région, comme ce qui s’était passé en Europe de l’Est après que l’Estonie avait pris les devants avec cette politique en 1994. Une deuxième révolution de la flat tax est donc sans doute en préparation au Panama, ce qui une bonne nouvelle pour l’Amérique latine où les taux d’imposition élevés et les règles fiscales complexes forcent les acteurs économiques à demeurer dans le secteur informel et étouffent ainsi le développement.
Enfin, M. Martinelli est un défenseur de l’accord de libre échange avec les Etats-Unis, qui est pour l’instant coincé au Congrès américain. L’ancien président Martin Torrijos avait commis l’erreur stratégique de chercher à passer l’accord avec les USA tout seul, au lieu de rejoindre les autres pays d’Amérique Centrale avec l’ALÉAC (Accord de libre-échange d'Amérique centrale). Les négociations avaient pris plus longtemps que prévu et un accord avait été arraché juste avant que les démocrates de prennent le contrôle du Congrès américain en novembre 2006, date depuis laquelle il y est resté en stand-by.
Maintenant que le président Obama a finalement réalisé que les USA ne peuvent pas considérer leurs amitiés dans la région comme définitivement acquises, son administration a fait allusion à une possible approbation de l’accord de libre échange avec le Panama. Cependant, les dirigeants démocrates au Congrès américain, qui ne sont pas satisfaits de leurs efforts à réécrire la législation environnementale et sociale des pays avec lesquels les États-Unis ont signé des accords commerciaux, objectent désormais aux lois fiscales du Panama, en particulier ses clauses sur le secret bancaire. Ses règles libérales en matière bancaire ont fait du Panama un centre financier de premier ordre en Amérique latine et sans doute M. Martinelli devrait-il résister à la pression des démocrates américains avant de réécrire complètement la législation financière et fiscale panaméenne.
Les cinq prochaines années représentent une opportunité magnifique pour le Panama, pour se positionner en tant que centre des Amériques. L’administration Obama est bien consciente que la croissance et les opportunités économiques sont le meilleur antidote au populisme en Amérique latine. Washington devrait ainsi accueillir l’élection de M. Martinelli avec une approbation de l’accord de libre échange.
Juan Carlos Hidalgo est analyste au Cato Institute.