Salut, les pandas albinos
L’autre jour dans Libération, il y avait un papier sur un nouveau type d’homme, baptisé «gastrosexuel» par nos amis les sociologues. Grosso modo, le gastrosexuel a entre 25 et 44 ans. Il cuisine bien. Puis il emballe. «Mon taux de réussite, une fois l’invitation acceptée est de 75% le premier soir et 95% en tout», claironne Sébastien, 35 ans, interviewé par Libé.
95%, diable!
Lui fait de la popote française traditionnelle ou tape dans l’exotique. Dégaine des bouteilles prestigieuses ou des crus sudistes corsés. Et hop! La convive se retrouve toute chose sous la couette avant le café. Trop fort.
Cette peinture d’une nouvelle génération de prédateurs sexuels en tablier de cuisine nous a laissés tout dubitatifs.
Primo, on n’avait jamais songé à utiliser notre vieille marmite en fonte comme arme de drague massive. On va reconsidérer l’engin.
Deuzio, il faut quand même se demander, si le cuisiner est occupé à lutiner l’invitée, qui nettoie les fourneaux et range le boxon après le repas. C’est que voyez-vous, il y a une éthique dans la popote. Un enchaînement de gestes quasi déontologique, qui va des emplettes à la vaisselle. Faire le boulot à moitié sous prétexte d’un digestif canaille, cela nous frise le code.
Tertio, pendant quelques millions d’années, c’étaient les dames qui faisaient la tambouille, sans que jamais cette activité-là ait boosté leur sex-appeal. Bien au contraire. Les gaillards s’y collent enfin. Et voilà qu’ils suintent brusquement la sensualité. Etrange. Comme quoi, il y a encore des pans entiers de l’attraction libidinale qui nous restent mystérieux.
Tout ça pour vous assurer qu’il n’y avait nulle perspective copulatoire dans l’élaboration de cette recette d’asperges en méli-mélo d’avocat aux herbettes et bresaola. Juste le plaisir de concocter quelque chose de slurp. Ce qu’on peut-être candide, des fois.
Spécial dédicace à la copine Edith, qui habite là-haut sur le flanc de la montagne, à 600 mètres au-dessus du niveau de la mer, et dont le jardin explose d’herbes aromatiques ces jours-ci. Elle nous a offert un gros bouquet de cerfeuil. Un végétal gracile et gracieux, au délicat groove anisé, dont on raffooooole. Merci Edith.
Pour réaliser cette prodigieuse quoique couillonne entrée, il vous faut aussi des asperges vertes, un avocat mûr, une poignée de roquette, des tomates cerise et plein de fines tranches de bresaola.
Coupez le cul des asperges, au tiers environ, et pochez-les six-sept minutes. Qu’elles restent croquantes. Refroidissez et tranchez en menus tronçons biseautés en gardant les têtes entières. Extrayez la chair de l’avocat, taillez en cubes.
Hachez la roquette et le cerfeuil. Coupez les tomates en deux.
Taillez deux trois tranches de bresaola en lanières (le reste sera servi à côté, oui, on ne discute pas).
Puis tricotez-moi une vinaigrette athlétique et généreuse, à l’huile d’olive et vinaigre de cidre, bien relevée. Touillez le tout à la force du poignet. Et rectifiez s'il le faut.
Et alors? Ben alors, l’avocat s’écrabouille façon crème. Les herbettes te titillent la goulette façon anisette poivrée. La vinaigrette swingue grave. Et la bresaola fait de la figuration rouge sombre, tout en amenant un discret contrepoint carné.
Je vous dis pas le tableau.
Printanier à donf’.
Mais pas gastrosexué pour un sou.
A sous peu