Voici un singulier album qui risque d’embarrasser libraires et bibliothécaires. En apparence, c’est un album jeunesse à la réalisation cartonnée d’ailleurs très soignée (à partir de 8 ans, dixit l’éditeur). Pourquoi pas, vu le thème abordé : l’intrusion d’un homme dans une famille monoparentale. Le traitement, pourtant, n’est guère enfantin.
Un trait appuyé, épais, presque grossier. Pas de visages, à part celui du chien et de la petite fille, comme si les adultes étaient finalement interchangeables (ils semblent d’ailleurs découpés dans du papier et collés). Une femme. Un homme. Chabadabada. Sauf que l’homme est un séducteur égoïste, observé avec lucidité et dégoût par le chien narrateur, qui flaire le danger. Une vraie bonne idée, pour témoigner de manière médiate du vécu de la petite fille, sans larmoiement mais avec une émotion réelle.
« Ce type est un vautour », répète le chien, une sentence sans appel qui revient comme une ritournelle dans un texte fort bien tourné. Un aveu d’impuissance aussi, de ceux qui sont condamnés à subir une histoire qui ne les concerne pas. Une histoire d’adultes, justement, dont ils souffrent en silence. Jusqu’à quand la femme se laissera-t-elle charmer par cet homme vulgaire et violent, qui n’aime ni les chiens ni les enfants et n’en veut qu’à ses jolies jambes blanches ?
Rassurez-vous, les enfants, elle finira par mettre dehors avec perte et fracas le Dom Juan indélicat. Chien et petite fille, un temps abandonnés, retrouveront la paix du foyer et l’amour de leur maîtresse et mère. Non mais.
Ce type est un vautour, texte de Sara, illustrations de Bruno Heitz (Casterman, 2009)
Article paru sur Sitartmag