Quel est le point commun entre la propagation actuelle du virus H1N1 dit « grippe porcine » ou « grippe mexicaine » ou « grippe A » ou « Swine flu » (bon ça suffit) et la crise financière puis économique qui a pris sa source entre deux prêts subprimes aux Etats-Unis ?
C’est pourtant simple, la première solution qui vient en tête pour régler définitivement ce genre de problème est le protectionnisme. Le sujet alimente les discussions depuis maintenant quelques mois. Je ne compte plus les arrivées sur mon blog à partir de requêtes Google « Que choisir au 21ème siècle entre protectionnisme et libéralisme ? ». Je ne parle même pas des billets de blogueurs déposant le débat entre les mains des leurs lecteurs. Que ce soit directement, au bout d’une réflexion en 4 billets passionnants chez Malakine ou le long d’un Paso Doble chez Toréador.
Ce sujet, alors que 34% d’entre nous allons bientôt voter pour désigner des députés européens, mérite d’être soulevé avec intérêt. Accordons donc un billet sans prétention à cette question.
Posons d’abord quelques bases. Le protectionnisme, selon Wikipédia, est une politique économique interventionniste menée par un Etat dans le but de protéger son économie contre la concurrence des autres états. Dans ce but, un certains nombres de leviers peuvent être actionnés comme l’établissement de barrières douanières, l’application de normes contraignantes - type normes sanitaires – une préférence marquée envers les acteurs nationaux dans les appels d’offres publics, une protection serrée des entreprises nationales vis-à-vis des actionnaires étrangers etc…
Ouie, léger problème. Les barrières de douanes et les normes sanitaires, cela ressemble fort aux nouvelles dispositions américaines sur le roquefort ou même aux décisions Indiennes de pousser les droits de douanes jusqu’à 20% sur l’acier, le fer ou le soja. Les appels d’offres ? Cela ressemble comme deux gouttes d’eau à l’affaire EADS – Boeing sur le marché des ravitailleurs. Mais si, souvenez-vous, EADS avait décroché le pompon avant que de sombres dispositions US ne permettent à Boeing de revenir dans la course. EADS proposait l’implantation d’usines sur le sol US moyennant le contrat exclusif. Cela ne devrait pas suffire et l’avionneur européen devra partager avec son copain américain. La protection des capitaux des entreprises nationales ? Cela existe déjà, ne cherchez pas trop loin, vous risquerez de perdre du temps. C’est Nicolas Sarkozy himself qui lançait en Novembre dernier, le « fonds stratégique d’investissement » dont le but était de « renforcer les fonds propres et stabiliser les capitaux des entreprises françaises », le tout confié à la Caisse des Dépôts, bras financier de l’Etat. Diable, en lisant les billets ici où là, j’étais pourtant persuadé que seul le méchant libéralisme régnait sur la planète en danger. La situation serait-elle plus complexe ?
Nous venons de parler de certains sujets, la rigueur intellectuelle nous oblige à ne pas oublier l’autre face de la pièce, les délocalisations en masse des industries et services occidentaux, le dumping fiscal, social ou monétaire entre deux acteurs du commerce ou bien même à l’intérieur même d’une zone de libre échange (Europe), l’interconnexion financière à l’origine de la propagation du virus « subprimes »…
Comme souvent, le monde n’est pas tout blanc ou noir, il n’est pas 100% libéral, il n’est pas non plus, 100% protectionniste. Les deux concepts sont des théories qui, une fois confrontées au réel, engendrent des dysfonctionnements profonds. Il n’est pas libéral lorsqu’il organise des aides pour les paysans européens, repoussant d’autant, la compétition des petits producteurs des pays émergents. Il n’est pas libéral lorsque l’on s’attarde sur les échanges mondiaux, et plus particulièrement sur les barrières érigées aux Etats-Unis, le pays soit disant le plus libéral du monde. Les américains sont ils des dangereux libéraux lorsqu’ils pondent le Buy Business Act en 1933 ou le Small Business Act vingt ans plus tard ? (Idée aujourd’hui reprise en Europe). L’Inde, puissance en devenir, se lance t-elle dans la course au libéralisme lorsqu’elle élève les droits de douanes sur certaines matières premières ?
La vérité est tout autre, et ce, tant au niveau théorique que pratique. Dans le débat public, les médias ou même les blogs, la théorie économique – et plus particulièrement la pensée libérale - est parodiée, simplifiée, résumée à quelques concepts chocs et compréhensibles de tous. Qui par exemple pour rappeler qu’Adam Smith, dans ses ouvrages, envisageait des exceptions à sa théorie du libre échange notamment lorsqu’une « espèce particulière d’industrie est nécessaire à la défense du pays » ? Personne !
Le principe général des relations commerciales entre les pays doit cependant tendre, je le crois, plus vers les terres du libre échange, que vers celles du protectionnisme. Je suis toujours profondément étonné, de lire chez quelques uns, des réflexions réclamant toujours plus de protectionnisme et regrettant, quelques billets plus tard, l’individualisme, le repli sur soi et la fermeture d’esprit chez l’Homme. Comment ces valeurs peuvent être à la fois un objectif pour une meilleure société et une voix sans issue pour la pensée humaine ?
Ne soyons pourtant pas candide. La France, et au dessus, l’Europe, ne doivent toutefois pas endosser le costume de bouffon du Roi dès lors que des questions d’échanges internationaux sont abordées. L’ouverture des frontières et le libre échange oui, mais pas avec des acteurs qui ne jouent pas le même jeu. L’ouverture des marchés publics oui, à condition de bénéficier d’autant d’ouverture sur le territoire du voisin. En l’espèce ce n’est pas le cas. Baisser les barrières douanières oui, mais pas uniquement dans un sens.
Dans cette optique, l’Europe doit se doter, cela devient urgent, d’une gouvernance économique centralisée capable de réguler (oups, j’ai lâché le mot), de filtrer, de sélectionner, les pans de nos économies matures pour le commerce international. Une gouvernance centralisée, en charge, surtout, de faire entendre la voix européenne au niveau mondial et capable, de ce fait, de peser de tout son poids dans l’abolition des derniers remparts protectionnistes. Il ne suffit plus de se dire libéral, de soutenir contre vents et marrées les théories de Smith ou de Ricardo pendant que les autres ne jouent pas le même jeu. Il faudra bien, un jour ou l’autre, faire preuve de pragmatisme face aux actes de nos partenaires commerciaux. Jouer les avantages oui, mais pas seuls.
Voilà une raison de plus qui me poussera à voter aux élections européennes, en Juin prochain.