Magazine Beaux Arts
Commencée ensemble le mardi 30 septembre, notre visite détaillée de cette quatrième salle du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre touche pratiquement à sa fin avec la découverte que nous allons entreprendre aujourd'hui et certains prochains mardis de la onzième et dernière de ses vitrines.
VITRINE 11
Nous avons abondamment eu l'occasion, souvenez-vous ami lecteur, d'admirer dans cette immense salle, aux moments où, de conserve, nous avons pénétré, les yeux ébahis, dans les chapelles funéraires d'Akhethetep, tout au fond à droite de l'entrée, et d'Ounsou, ici derrière nous, ces scènes de la vie quotidienne relatant les travaux agricoles sur les terres pharaoniques que le fonctionnaire aulique avait désiré voir représentées, peintes ou gravées, registre après registre, sur les parois de sa "demeure d'éternité", tant pour signifier ce qu'il avait rencontré ici-bas que pour, selon le sempiternel principe, que j'ai déjà précédemment évoqué avec vous, de la magie de l'image, et de celle du verbe créateur, s'en assurer l'existence post-mortem, dans sa vie de l'au-delà.
Une étude quelque peu approfondie des fouilles et des mises au jour archéologiques qu'elles entraînent inévitablement démontre une évolution manifeste dans le domaine des pratiques funéraires. Et notamment une modification notoire émergeant à la fin de la VIème dynastie, à l'Ancien Empire donc, qui perdure pendant toute la Première Période intermédiaire (P.P.I.) et qui atteint manifestement son acmé au Moyen Empire, avec la XIème dynastie, aux temps des trois ou quatre Mentouhotep et Antef qui s'y sont succédé : l' l'apparition, autour du sarcophage de ce que les égyptologues nomment des "modèles", à savoir des maquettes qu'à la limite, à notre époque, l'on considérerait presque comme étant des jouets destinés aux bambins des rives du Nil, tant est flagrant le parallélisme que je pourrais établir avec les petits soldats de plomb de mon enfance, par exemple, ou encore, si le matériau n'était là aussi totalement différent, avec la ferme miniature qui actuellement fait le bonheur de mon petit-fils.
Mais quelles sont les raisons cet apogée au début du Moyen Empire ? Un petit rappel historique serait peut-être, ici et maintenant, le bienvenu.
Il ne faut pas être grand clerc pour se rendre compte, quand on se penche sur un tableau chronologique de l'Histoire égyptienne, que le Moyen Empire, constitué des seules XIème et XIIème dynasties aux yeux de la majorité des égyptologues, semble coïncé entre l'Ancien et le Nouvel Empire, forcément, et spécifiquement pris comme en étau entre les Première et Deuxième Périodes intermédiaires.
Sur cette Deuxième Période intermédiaire (D.P.I.), l'invasion des Hyksos et la reprise du pouvoir par un certain Ahmosis débouchant sur la constitution de la prestigieuse XVIIIème dynastie, fleuron du Nouvel Empire, j'aurai très certainement un peu plus tard l'opportunité de vous entretenir abondamment. Mais aujourd'hui, il me plairait de m'attarder quelque peu sur ce moment charnière qu'est le premier de ces trois temps jalonnant l'Histoire égyptienne.
Cette époque d'une petite centaine d'années - approximativement, de 2134 à 2040 avant notre ère, selon la datation établie par Erik Hornung -, se caractérise par une dislocation de l'Etat égyptien centralisé qui avait permis à l'Ancien Empire de se constituer. S'ensuivirent, inéluctablement, des troubles dont se fait l'écho, par exemple, un texte célèbre connu sous le nom de "Lamentations d'Ipou-Our", que je vous proposerai en lecture le samedi 16 mai prochain.
Memphis, dans le nord, qui avait connu le statut de capitale du pays pendant les presque mille ans qu'avait durés l'Ancien Empire, perd sa prépondérance; et notamment les ateliers d'art qui s'y étaient développés, au profit d'autres écoles artistiques disséminées dans certains chefs-lieux régionaux : Thèbes en particulier.
Et c'est en fait de ce nome thébain, - "Ouaset", en égyptien classique -, connu et habité par ailleurs depuis l'époque paléolithique, bien avant donc que se constitue officiellement l'Egypte pharaonique, qu'à nouveau une unité nationale va se réaliser, avec des nomarques comme les Antef (Ier, II et III), mais surtout avec le pharaon Montouhotep II qui, prenant le contrôle de toute la vallée du Nil s'impose comme le réunificateur que le pays attendait.
Grace à ce souverain, grâce au rôle prépondérant qu'il offrit à son nome d'origine, l'art à son époque et dans ce lieu connaîtra lui aussi un renouveau particulièrement intéressant.
C'est précisément de ce temps que datent les deux maquettes de la vitrine 11 que nous détaillerons prochainement ...
(Wildung : 1984, passim)