Si l’on se fie à la quatrième de couverture, on peut penser que Le Colonel Chabert est un récit qui se joue des frontières : il raconte l’histoire d’un revenant, d’un homme laissé pour mort, enterré dans une fosse commune, et qui en est sorti…
« A qui ai-je l’honneur ? – Chabert. - Lequel ? – Celui qui est mort à Eylau. (…) – Monsieur, dit le défunt, »…
Mais les descriptions minutieuses de l’étude notariale ou de la ferme misérable où vit Chabert sont là pour ancrer le récit dans un univers très réaliste, d’autant que les références à l’Histoire sont nombreuses. D’ailleurs, l’admiration du colonel pour Napoléon est quasiment d’ordre mystique.
Balzac semble ici regretter l’Empire : époque de grandeur, de gloire, et de conquêtes victorieuses. Tandis que la Restauration, symbolisée par la comtesse Ferraud, semble très mesquine : parvenus comploteurs qui ne servent que leurs propres intérêts, et incapable d’éprouver un sentiment sincère et spontané ; tout est calcul et égoïsme.
Au-delà d’un point de vue sur la société de son temps, Balzac pose aussi des questions plus profondes : comment vivre, comment être, quand on n’a plus d’identité ? quand, lorsque que l’on dit son nom, vos interlocuteurs vous rient au nez en vous traitant de fou ?
Un récit court (70 pages) qui pourrait se résumer en une courbe : celle de l’espérance qui renaît là où il n’y avait plus que résignation et désespoir, et puis qui retombe, brutalement, emportant dans sa chute l’âme humaine qu’elle avait un peu illuminée. Cette espérance est pourtant très humble : c’est l’espoir tout à fait légitime qu’entretient le colonel Chabert — « Celui qui est mort à Eylau ? – Lui même. » —, héros des guerres napoléoniennes, de reconquérir sa femme, sa fortune, et surtout, son identité de vivant.
70 pages env., coll. Livre de Poche - 2,75 €