B: Aigle Bleu, je voudrais vous poser une question concernant la méditation: Matthieu Ricard, dans
son dernier livre, l'Art de méditer, propose de méditer les yeux mi-clos, soit dirigés droit devant soi, soit le regard légèrement incliné vers le sol. Pourtant, certaines personnes se sentent
mieux avec les yeux fermés. Ce détail a-t-il une importance quelconque pour la concentration?
AB: La technique complète consiste à
avoir les yeux fermés pour ceux qui sont agités, les yeux ouverts pour ceux qui ont tendance à s'endormir en méditant, et les yeux mi-clos pour ceux qui sont des méditants accomplis. Lorsqu'on
fait des exercices de visualisation, on médite habituellement les yeux fermés mais par la suite, pour augmenter la concentration, on peut faire les exercices les yeux mi-clos et ensuite
ouverts.
B: comment décririez-vous l'état d'une personne en pleine méditation? S'agit-il d'un arrêt complet de la pensée, ou
plutôt de la concentration continue sur un même objet? Est-il possible d'interrompre complètement le cours de la pensée pendant un certain temps?
AB: La véritable méditation est un état où la pensée est immobile. Le terme
le plus juste que j'aie trouvé est celui de ''conscious awareness ''en anglais. La concentration sur un objet, une visualisation ou un son sont des exercices intermédiaires pour parvenir à
la méditation sans objet. Et ce n'est pas interrompre la pensée mais bien la laisser reposer complètement en laissant passer toute pensée. En effet, la pensée n'est pas ''conscious
awareness''. L'être humain est un être qui anime la co-création du monde avec le Divin et la pensée est l'instrument principal de cette co-création. Ainsi, l'Homme, (dans le même sens
que celui de ''Man'' dans les livres de Vladimir Megre, c'est-à-dire ni féminin ni masculin, mais celui qui est créé à l'image du Divin, donc avec un « H »majuscule) l'Homme donc qui est en
parfait équilibre, sait se concentrer sur la manifestation de l'idéal avec une pensée active et ensuite contempler l'objet de sa co-création, c'est-à-dire sa vie et tout ce qu'il crée, dans un
état de béatitude et de repos total, que nous pouvons appeler ''conscious awareness''.
B: Cela signifie-t-il qu'il y a toujours des pensées, mais qu'on ne s'arrête pas dessus? Est-ce
que cela veut dire que ce n'est pas possible d'avoir l'esprit absolument vide de pensée? Est-ce que le fait de se concentrer sur un son, par exemple, peut être défini comme une pensée?
AB: Oui, il existe un état sans pensées appelé ''contemplation'' ou ''méditation
sans objet''. Le son ici est effectivement comme une pensée car il y a objet.
B: J’ai à présent une question concernant la recherche de la spiritualité: certaines personnes
consacrent leur vie à se rapprocher de leur Soi ; pour cela, elles passent des heures quotidiennes à pratiquer par exemple la méditation, une pratique physique, la prière ; elles peuvent s'isoler
une grande partie du temps pour être mieux connectées à leur source. D'autres personnes n'ont aucune connection à la notion de spiritualité, mais sont touchées par le sort des autres, et vivent
d'une manière totalement altruiste. J'ai ainsi une amie qui consacre tout son temps libre, y compris une grande partie de ses nuits, et aussi tout son argent, à une association qu'elle a créée
pour venir en aide à de jeunes délinquants D'autres se battent à titre de bénévoles pour les enfants exilés du Tibet, ou d’uatres causes altruistes, etc. La voie spirituelle nous enseigne souvent
que l'individu est une particule dans l'univers, et qu'il doit chercher à retrouver cette fusion au tout, pour s'oublier en tant que personne. Quand je regarde ces gens qui se consacrent
entièrement aux autres, j'ai l'impression qu'ils sont totalement en accord avec cette voie, même s'ils ne veulent pas entendre parler de spiritualité. Et quand je fais en sorte de me ménager de
plus en plus de temps pour méditer, être en connection avec mon être, m'isoler pour ma pratique, même s'il ne s'agit pas de nourrir l'ego, je n'ai pas l'impression d'être en connection avec
l'univers, en tout cas de faire quelque chose pour ceux qui souffrent sur la planète. Je sais que cette pratique peut nous connecter à l'univers, mais en même temps elle me semble très égoiste.
Comment résoudre ce paradoxe?
AB: Cette question peut être résolue par la compréhension de ce que les
Amérindiens appellent ''les instructions originelles'', ou ce que d'autres maîtres décrivent comme étant le but de la vie d'un être humain. Chaque ''Homme'' se doit de répondre seul à cette
question car tous ont une mission de vie unique. Lorsqu'on accomplit sa mission d'être, on est en harmonie avec le monde et en connection avec le Divin, que ce soit dans l'activité ou dans
la méditation. La véritable question ici est: ''Qui suis-je?'' La véritable reponse déjà donnée depuis l'antiquité par Socrate est ''Connais-toi toi-même, et tu connaîtras l'univers
et les dieux''.