Deux morceaux choisis que l'on trouvera dans les sous-titres "En résumé" et "En guide de conclusion"d'un très bon texte de Marc Legrand :
Mathématiques, mythe ou réalité, un point de vue éthique sur l'enseignement scientifique
Revenant aux enseignements des mathématiques proprement dites, je défends donc la thèse que l'étude objective de domaines de réalité extérieurs aux mathématiques, la construction théorique d'éléments ou de concepts mathématiques ad hoc pour tenter de résoudre les problèmes qui se posent dans ces domaines externes, et le retour à ces domaines de réalité pour voir les nouveaux éclairages que cette construction mathématicienne y projette (confrontation qui n'a lieu ni dans une présentation utilitariste des mathématiques, ni dans une présentation purement mathématicienne) sont des préalables nécessaires pour que les mathématiques que nous enseignons puissent prendre une réalité scientifique chez nos interlocuteurs élèves ou étudiants culturellement éloignés, pour qu'elles deviennent pour eux aussi un objet de pensée valide et intéressant en soi, et finalement pour qu'il soit "bon" éthiquement parlant (car respectueux de la dignité des personnes) de proposer à tous les citoyens de s'initier par l'enseignement à cette forme de culture.
Je me dis par suite : n'hésitons donc pas, malgré les multiples pressions externes, à prendre le temps de vivre des situations où la philosophie de la science se montre particulièrement pertinente, des situations dans lesquelles l'élève ou l'étudiant est progressivement amené à sentir qu'il obtiendra difficilement de bonnes explications et des certitudes s'il veut rester à un niveau trop particulier, trop familier, donc trop implicite, des situations où pour comprendre, il va devoir s'engager personnellement dans un double mouvement à la fois généralisateur et réducteur, des situations où il lui faudra accepter de théoriser ses pratiques, définir ce dont il veut parler, dire dans quel modèle il se place, faire des hypothèses explicites dans ce modèle, accepter les facilités mais aussi la dureté qu'il y a à exprimer ses idées dans un modèle mathématique.