Voilà la bien curieuse histoire que m’a contée hier matin sur la brocante de Montmorency Claude Loup – que je ne connaissais encore que par nos échanges de courriels depuis qu’il m’avait alertée sur le cas de Célestine - infatigable défenseur des sans-papier, notamment ceux employés par une société – dépendant du Groupe Fayolle - qui travaille pour le «syndicat Emeraude» de la Vallée de Montmorency, responsable de la collecte et du tri des déchets et ordures ménagères.
Or donc, depuis qu’ils se mirent en grève pour obtenir des papiers et de meilleures conditions de travail, il accompagne chaque semaine par petits groupes ces sans papier à la Préfecture pour les aider à obtenir leur régularisation. Dont dernièrement l’un d’eux, venu clandestinement de Mauritanie.
A leur grande surprise, la personne qui les reçoit – toujours aimablement - lisant le seul document produit – un extrait d’acte de naissance – annonce : «Jeune homme, vous n’avez rien à faire ici, vous devez demander une carte d’identité française» ! Ajoutant : “vous êtes aussi français que le serait un de mes enfants s’il était né en Mauritanie !”…
Explication : Hamedou T. est né en Mauritanie (en 1980) mais son père, né en Mauritanie en 1937 - qui a vécu et travaillé en France de 1959 à 2006 et n’allait en Mauritanie qu’à l’occasion des vacances – possédait la nationalité française…
Sa mère, qui a toujours vécu en Mauritanie, Française à sa naissance – avant la décolonisation – avait opté pour la nationalité mauritanienne.
Peu importe puisqu’il existe deux modes d’acquisition de la nationalité française :
Le «droit du sol» : naître en France ou sur tout territoire français. Que les parents ou l’un deux soit Français important peu à cet égard, à condition toutefois que la loi nationale des parents ou de l’un deux n’en dispose autrement (article 21 et suivants du Code de la nationalité)
Le «droit du sang» : naître en France ou à l’étranger si l’un ou les deux parents possède(nt) la nationalité française… article 17 du Code de la nationalité. Ce qui est le cas en l’espèce.
Au-delà de ce cas, dont je ne peux que me réjouir, d’autant que Hamedou T. peut maintenant espérer faire autre chose que ramasser nos ordures - il est en effet titulaire d’un bac S. et a fait des études scientifiques en Mauritanie… quel gâchis de talents ! – j’en reviens à la question de la nationalité de nombreux enfants de sans-papier qui sont nés en France.
Même à l’époque des «lois Pasqua» il était reconnu que les parents étrangers en situation illégale n’étaient «ni régularisables ni expulsables» dès lors que leurs enfants étaient nés en France et avaient vocation à devenir Français s’ils en faisaient la demande.
Sans entrer dans les détails du Code de la nationalité en matière d’acquisition de la nationalité française qui peuvent être consultés soit sur le site de France-Diplomatie soit sur Légifrance, je me bornerais à dire que tout enfant né en France acquiert la nationalité française à sa majorité, à condition d’y avoir eu sa résidence habituelle, notamment pendant une période continue ou discontinue d’au moins 5 ans depuis l’âge de 11 ans.
Que par ailleurs, ses parents peuvent demander qu’il obtienne la nationalité française – avec son accord – à partir de l’âge de 13 ans et qu’enfin, une disposition de la loi du 16 mars 1998 – dite «Loi Guigou» - qui modifie l’article 29 du Code de la Nationalité (cf. droit.org) prévoit la délivrance d’un «titre d’identité républicain»
Je suppose qu’il faut entendre par cela une Carte nationale d’identité puisque la demande doit être déposée à la Préfecture du lieu de résidence habituelle du mineur alors que s’il s’agissait d’un certificat de nationalité française, celui-ci est obtenu au Tribunal d’instance du domicile (cf. vosdroit.service-public) .
Or, cette disposition me semble perverse car l’article 29 dispose que «Sur présentation du livret de famille, il sera délivré à tout mineur né en France, de parents étrangers titulaires d’un titre de séjour, un titre d’identité répu-blicain».
Le Gisti critique à bon droit la loi Guigou, reprochant à Lionel Jospin de n’avoir pas tenu ses engagements en la matière… Je rappellerais qu’il promettait lors de la campagne législative de 1997 «d’abroger les lois Pasqua-Debré et revenir au Code de la nationalité dans sa version républicaine»…
Il m’insupporte de savoir que c’est à cause d’une vraisemblable «timidité» des socialistes - ne pas vouloir apparaître aux yeux de l’électorat comme ceux qui favoriseraient l’immigration… A toujours ménager la chèvre et le chou, Jospin et son gouvernement ont réussi à ne même pas être «en finale» à l’élection présidentielle de 2002 ! – que la condition d’un titre de séjour de leurs parents est opposable à l’acquisition de la nationalité française pour les enfants étrangers nés sur le territoire français.
Car c’est précisément la brèche où se sont engouffrés les ministres de l’Intérieur depuis 2002 et bien plus encore, Brice Hortefeux et Eric Besson depuis juin 2007. Au point que les régularisations de titre de séjour sur le fondement de la fameuse «circulaire» du 13 juin 2006 - Nicolas Sarkozy étant alors ministre de l’intérieur ont consisté en une véritable mascarade, sinon un pur et simple déni de droit. A laquelle Arno Klarsfeld – bien curieux médiateur ! – s’est rendu complice.
Il suffit en effet de refuser d’accorder un titre de séjour, de débouter les demandeurs d’asile, de refuser arbitrairement le renouvellement d’un titre de séjour pour que les enfants de parents étranger France soient spoliés de leur droit à être des citoyens français en tant que nés sur le territoire français.
La France que nous aimons – celle des droits de l’homme – mérite mieux !