C’est inconvenant, parfois.
Cette manie que nous avons, ici, en France.
De traduire les intitulés anglophones de la pire des façons et de transformer ce qui était, au départ, un titre merveilleusement accrocheur, un condensé de promesses de bonheur, une mise en bouche inégalable, en frontispice tellement pourri qu’on croirait un hommage vulgaire et clinquant à la pire des productions de comique troupier remplie de rots bruyants et de consternants concours de pets.
Le fort sympathique City Slickers, par exemple, tragiquement rebaptisé La vie, l’amour, les vaches (tout de suite, ça donne moins envie, ce petit résumé qui nous promet des rélfexions métaphysiques sur l’existence, proférées par des péquenots en plein coït entourés de bovins ruminants…)
Tiens.
Autre exemple.
Prends ce petit bijou de la littérature américaine, écrit par le génie du polar noir soi-même, Charles Williams: The diamond bikini.
Rien que dans ces deux mots, tu retrouves un condensé de l’humour acide, des dialogues percutants et des…heu…mensurations de rêve qui jalonnent l’intégralité du bouquin.
"Diamond bikini", ça t’évoque tout de suite des poupées de série B gaulées comme Marilyn Monroe, des gangsters complètement barrés et des flots de dollars mal acquis, le tout emballé dans des gunfights à la mitraillette dignes d’un épisode des Incorruptibles.
Et ça n’est qu’une petite partie de ce qu’on trouve dans ces pages hilarantes, ciselées comme (justement) autant de petits diamants.
Le reste, justement, a été grossièrement résumé dans la traduction française du titre: Fantasia chez les ploucs.
Les ploucs, donc: le pseudo fermier chiqueur de tabac, bouilleur de cru notoire et arnaqueur de première bourre; son beau-frère complètement allumé qui passe son temps à chouraver des planches pour construire une arche de Noé qui le sauvera (peut-être) du nouveau Déluge; le shérif bedonnant qui vire à l’écarlate dès qu’il pousse une colère; les adjoints trépanés du bulbe mais qui ont de la suite dans les idées…
Je dois avouer que la plupart de mes amis ont dévoré Diamond bikini aux alentours de quinze, seize ans.
Quant à moi, j’ai dû attendre le mois d’avril de l’an de grasse de Grâce 2009 pour découvrir cet ovni littéraire, tant son titre franchouillard me faisait redouter, depuis longtemps, de me retrouver face à face avec des clones de Bud Spencer et Terence Hill en plein concours d’engloutissement de fayots au pied d’un cactus pelé, dans un décor de Cinecitta (mais sans l’ombre d’un Sergio Leone dans les parages), le tout dans une ambiance enrobée d’odeurs suspectes causées par les flatulences des protagonistes et frisant le degré zéro de l’humour.
Comme quoi.
Pour doper les ventes de bouquins, il suffit peut-être de commencer par arrêter de leur coller des titres de merde.