Magazine Culture
Clichés I. Rambaud
L'iconoclaste étant celui qui détruit les images "saintes", on peut raisonnablement se demander si nos artistes contemporains sont des iconoclastes eu égard à leur intérêt pour ce media omniprésent dans notre société.Ou si eux-mêmes sacrifient à leur tour à de nouvelles images chargées de symboliques et à leur tour sacralisées ?Exemple avec Wang Du qui expose actuellement à la Force de l'Art 02 (nef du Grand Palais à Paris). Cet artiste chinois ayant quitté la Chine en 1990 présente une oeuvre de 2008 " International Kebab" basée sur la photographie.Au départ, une multitude d'images de la Chine qui telles des vignettes composent un tapis de sol, une géographie multiple et colorée avec ses maisons, ses habitants, ses coutumes.
Au-dessus de ce paysage multicolore, Wang Du élève une sorte de tour de Babel composée d'images, agrandies cette fois à la taille de posters, et empilées sur une vis qui fait tourner l'ensemble ainsi composé. Un immense échafaudage de 9 mètres de haut permet au public de monter au sommet de cette construction chimérique et d'en faire le tour.
Mais il ne s'agit pas seulement de commenter ou de critiquer. Le public est invité à agir en se saisissant de grands couteaux à pains disposés le long de l'échafaudage de manière à couper les angles, griffer les piles d'images et ainsi les détruire peu à peu.
Cette invitation à détruire rejoint celle, quotidienne, qui d'après l'artiste atteindrait la Chine, devenue un immense kébab au sein de la société de consommation planétaire.Comme beaucoup d'autres, Wang Du utilise le thème de l'empilement, celui de la destruction, celui de l'interactivité avec le spectateur, celui de la dérision et une forme de gigantisme qui est la marque des installations contemporaines.Il nous interroge à notre tour sur notre rôle face à la société mais aussi sur notre regard face aux oeuvres d'art : celles-ci, installées sous la nef (le mot évoque une cathédrale) du Grand Palais risquent une nouvelle sacralisation, celle qu'offre aussi le label du Ministère de la Culture, de l'Institution.
De quoi avons-nous l'air notre couteau à la main à taillader une oeuvre qui a coûté bien cher à installer ?Ne mériterions-nous pas d'être aussi photographiés à notre tour comme participant à cette monumentale construction des images de notre temps ?Et quand le miroir s'arrêtera-t-il de réfléchir ?Wang Du est représenté par la galerie Laurent Godin.Merci pour votre lecture ! Thank you for reading !