A las cinco de la tarde…
Chafouin et la dernière Croishalde
La blogosphère de droite s’est récemment mobilisée sur l’une de ses têtes de turc favorites : la Halde. Il faut dire que cette dernière, loin d’être une organisation administrative traditionnelle, se conçoit comme une structure porteuse d’un message, l’équivalent de la Sainte Inquisition luttant contre les hérésies inégalitaires.
Sa dernière croisade a été racontée sur le net par Renaud Revel et Chafouin, et relayée par Rubin : « La dernière lubie de ce comité présidé par Louis Schweitzer : contraindre le télécrochet Nouvelle Star, dont le règlement prévoit une limite d’âge de 34 ans pour les participants, à s’ouvrir aux seniors (…) [Nouvelle Star] a reçu un courrier de mise en demeure, dans lequel Louis Schweitzer, le président de la Halde, qui a été saisie sur une plainte d’un candidat de 41 ans recalé au cours des castings, donne deux mois à la chaîne et la société productrice pour abroger cette règle« .
La Halde argue que « Nouvelle Star débouche sur des contrats dans l’industrie musicale. Ainsi, la finalité du concours consiste en réalité à lancer la carrière professionnelle d’un ou d’une artiste. L‘enjeu de ce concours est donc directement professionnel. »
Vous êtes tous des Susan Boyle !
A priori, j’avais rédigé ce texte comme une banderille parce que je trouvais que grâce à La Halde, un nouveau champ contentieux juridique venait de s’ouvrir. Je me disais qu’en appliquant le raisonnement de la Halde aux concours de la fonction publique, l’Etat allait être dans de beaux draps, lui qui prévoit des limites d’âge.
Et c’est là que j’ai découvert qu’en réalité une ordonnance publiée au Journal officiel du mercredi 3 août 2005 qui prévoit la suppression des limites d’âge pour l’essentiel des différents concours de la fonction publique afin de favoriser l’embauche des plus de 50 ans. Je note que cette limite ne concerne pas tout le monde cependant.
Et puis en y réfléchissant, je me suis dit que l’avis de La Halde n’était pas aussi critiquable qu’on le pense. Pourquoi est-ce qu’on ne pourrait pas devenir une star après 40 ans ? Regardons Susan Boyle. On voit bien que cette discrimination est fondée sur une approche jeuniste de la société, avec en toile de fond l’idée que le physique compte autant que le talent. Avec une telle approche, Piaf et son physique gringalet n’aurait jamais percé.
Le Droit « divertissemental«
Cette affaire est cependant une petite facette du problème. Le droit se mêle de plus en plus de l’industrie du divertissement. Ce sont par exemple le cas de l’interdiction des petits chanteurs de la croix de bois parce qu’ils ne sont pas rémunérés, la condamnation d’Endemol à payer les participants de l’île de la tentation, ou les offensives pour que le téléchargement payant permette de rémunérer les artistes.
L’application des mêmes règles à tous, avec l’intervention du juge ou de l’Etat, est-il un progrès ? Entre les chanteurs de la croix de bois et l’île de la Tentation, la prestation est différente en substance mais pas en droit. La vraie différence qui fait qu’on est goguenard ou indigné, c’est surtout que l’objet « moral » est totalement inversé. Mais rappelons que la justice est aveugle…
De plus, le mythe de David contre Goliath est ici prégnant : les gentils petits chanteurs de bois bénévoles contre l’Etat; les participants naïfs de l’île de la Tentation contre Endemol; le gentil internaute contre les Majors du disque, etc…La France est un pays qui aime les David, mais il ne faudrait pas non plus qu’elle fasse de notre industrie du divertissement un nain mondial.
Le problème est donc double : en faisant ça, nous risquons de tuer la vitalité d’un domaine qui par nature s’accommode très bien de grisaille juridique (cf. les intermittents du spectacle). D’autre part, le débat sera toujours pollué par les fantasmes des uns et des autres sur ce qu’est l’égalité dans un monde capitaliste, ainsi que ses propres reconstructions sociales.
Sujets: Paso Doble | 7 Comments »