Contes berlinois Acte II : Trabi-Safari

Publié le 03 mai 2009 par Magda

Un tout petit matin berlinois. Il est cinq heures trente, Berlin ne s’éveille pas tout à fait. Cette ville de fêtards dort jusqu’à midi, boutiques et cafés compris.

Je me suis réveillée tôt, pour satisfaire mes pulsions d’écriture. Sur mon vélo miniature, je me promène dans la ville, émerveillée de passer sous la célèbre porte de Brandebourg sans l’ombre d’un seul touriste, de pouvoir admirer les restes du Mur sur fond de pépiements d’oiseaux. Je suis toute seule dans la ville immense. L’une des plus grandes villes d’Europe, étirée comme une gigantesque pâte à tarte, qui fait huit fois la taille de Paris…

En remontant du quartier de Mitte vers celui de Kreuzberg, on passe devant non loin du Reichstag, du Mur, de Checkpoint Charlie, de la porte de Brandebourg. Tous ces lieux hautement touristiques sont généralement, au mois de mai, saturés de cars de touristes et de marchands de cochonneries en plastique à la sauvette. Mais pas à 5h30 du matin… C’est là que ces endroits de la ville reprennent leur dimension historique et leur poésie. Dans la lumière rose de l’aube.

Je pédale tranquillement, je sifflote, prenant des photos à la volée avec mon téléphone portable, pour garder une trace intime de ce silence urbain. Et puis tout à coup, j’aperçois un parking désert où ne sont garées que des Trabant, ces petites voitures fabriquées pour l’Allemagne de l’Est au temps du Mur de Berlin. Il s’agit du point de départ et de location du Trabi-Safari, une visite de guidée que les touristes effectuent au volant d’une de ces petites voitures. C’est évidemment un peu kitsch, un peu nul, et cela participe à l’”Ostalgie”, cette tendance à exploiter les attributs culturels de l’ex-RDA pour en faire des objets de consommation purs. L’Ostalgie est une tendance qui a été fortement soutenue par le succès (mérité tout de même) du film Goodbye Lenin.

Mais là, baignant dans l’aube tiède de printemps, toutes enveloppées de cette lumière mystérieuse, les petites Trabis avaient l’air désolé. Comme abandonnées par les touristes ingrats, sur leur place de parking. Si les voitures n’avaient pas été peintes dans des couleurs improbables, si elles n’avaient pas porté le logo “Trabi-Safari”, on se serait cru en RDA. Quand les Trabants étaient les seules voitures autorisées à rouler dans le pays, et que les rues étaient vides. Vides de joie populaire, vides de liberté. Je les ai prises en photo pour vous les montrer : n’ont-elle pas l’air triste?