Le Mexique des années 1920 était un carrefour intellectuel bouillonnant. On pouvait y croiser l'élite artistique dans une belle époque où révolution rimait avec libération et liberté avec sexualité.
Théo, un Français qui a fui sa morne patrie pour vivre pleinement ses passions ; les hommes, la peinture et l'écriture ;, a vécut ce moment magique à Mexico. En 1942, vingt ans après les faits et quelques jours après l'assassinat de Tina Modotti, il choisit de raconter l'histoire de cette apprentie photographe et de son maître Edward Weston à la première personne venue, un chauffeur de taxi.
Sous l'objectif de Pellejero et Lapière, cette épopée passe pour être une simple tranche de vie entre amis : ils discutent, refont le monde en buvant du pulque ; la boisson locale ;, flirtent les uns avec les autres. Ce microcosme rentre doucement dans l'Histoire à coups de pinceaux, de clics et de tirades sur la place de l'art dans la révolution. Leur douce fureur de vivre se danse avec un rythme plus proche du Tango que du Merengue. On les laisse en 1927 sur le départ d'Edward, retourné vers sa Californie.
Impertinent cet été ? En quelque sorte oui. Sans fracas ni tapages, cette BD nous donne l'expression d'une époque révolue, un moment délicieux où le champ des possibles était ouvert. Sous la plume des auteurs, on comprend les choix du groupe. Par exemple, le support préféré du peintre Diego Rivera : la rue et le mur pour une « socialisation de la création » ; on entre dans l'image d'une liberté à conquérir. Une « liberté révolutionnaire ».
C'est un beau choix de sujet, pleinement assumé par Pellejero et Lapière. Il n'est pas question d'une dissertation ou d'un traité sur la place de l'art. Pourtant, ils parviennent à nous faire sentir les enjeux d'un moment clé du XXe siècle à travers la petite histoire. En tournant la dernière page, on a du mal à douter de la capacité de la bande dessinée à capter et à transformer le réel. Le choix d'une ligne de dessin et de couleur sobre n'y est pas pour rien en contribuant parfaitement à l'harmonie du volume.
La belle collection Aire libre offre d'ailleurs d'autres exemples de ce type. Le photographe restera un monument du neuvième art en démontrant encore une fois que si ce genre ne peut pas tout offrir à son lecteur, il parvient cependant à donner beaucoup.
J'attends toutefois la seconde partie de L'impertinence d'un été pour me prononcer définitivement. C'est en relisant les deux volumes qu'on sentira pleinement la puissance d'évocation de ce beau récit.
L'impertinence d'un été, par Pellejero et lapière, chez Dupuis, 14,50 €
Vous pouvez retrouver la "bande-annonce" de la BD à cette adresse.