J’écoute France Musique, et je me demande pourquoi la musique classique est aussi déprimante.
C’est bizarre, la musique dite « populaire », par contre, me donne envie d’être heureux. Même celle qui a pour profession la nostalgie, comme le Blues ou le Fado. Alors, musique déprimante = musique de l’élite ?
A l’appui de cette idée, le Jazz. Quand c’était une musique d’esclaves, elle était joyeuse, et pourtant elle parlait de malheurs ; depuis qu’elle a été récupérée par l’intellectuel, elle est un encouragement au suicide. Je me souviens aussi d’avoir découvert dans une émission de France Musique un chant populaire que j’avais entendu lors de fêtes. Là, cela ressemblait à un appel à la lutte des classes. Sentiment qu’avait ressenti l’interprète au spectacle de l’abjection qu’avait dû être la vie à la campagne ?
Ce qui m’amène à Platon. Si je le comprends bien, l’artpeut avoir deux résultats : l’un qu’il réprouve, encourager l’homme dans ses us et coutumes ; l’autre qui lui semble important, enseigner ce qui est bien. A en croire Norbert Elias, il y aurait eu une querelle de ce type entre l’art français et anglais. Quand la France dominait l’Occident, et ses goûts, il était mal vu d’apprécier Shakespeare et son apologie des vices du monde. Ce qui était à la mode était le drame classique, qui enseignait la vertu. (La victoire ultérieure de Shakespeare en dit long sur celle du monde anglo-saxon.)
A partir du modèle Platon, je fais l’hypothèse que la musique a un rôle social double : nous mettre dans un état d’esprit désirable 1) en nous préparant à un rôle futur, ou 2) en nous réparant. De quoi il semble ressortir que pour l’élite l’usage de la musique est plutôt du premier ordre, pour le peuple, du second.
Une seconde différence entre élite et peuple est que l’un maîtrise son avenir, pas l’autre. C’est cohérent avec mon explication.
Dernière pièce apportée au dossier, pour aujourd’hui. Le témoignage de la Marquise de Sévigné. Elle est tour à tour émue aux larmes par un sermon édifiant, et observatrice indifférente du massacre du peuple. Compassion épuisée, ou se réservant pour de grandes choses ? Il est tentant de penser que l’art maintient la cohésion sociale : il permet aux petites gens de supporter leurs maux et à l’élite de supporter le spectacle de leurs souffrances.
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