Dans ce roman autobiographique, l'auteur fait le récit d'une jeunesse grisâtre, passée dans l'ombre de parents à la fois éblouissants et distants qu'il idéalise. Lui est un enfant solitaire, maladif et chétif qui ne trouve pas sa place entre ces deux sportifs, qui s'aiment passionnément, mais dont le passé commun et les racines familiales semblent nimbées de mystère. Faute de pouvoir leur plaire - il sent qu'il les déçoit, mais pourquoi ? - il revisite à son gré l'histoire de sa famille, imagine quelle a pu être la rencontre de ses parents, va jusqu'à s'inventer un frère aîné plus fort, plus brillant... Ce monde imaginaire, loin de pallier les non-dits et la froideur affective de sa famille, l'enfonce de plus en plus dans son mal-être. Jusqu'à ce que Louise, une amie proche de sa famille, lui dévoile une pesante vérité.
C'est la révélation de ce secret de famille qui a permis à Philippe Grimbert de se construire en tant qu'adulte. A aucun moment, il ne semble en avoir voulu à ses parents au sujet de ces non-dits qui ont pourtant empoisonné son enfance. Tout au contraire, il s'est attaché à comprendre leurs souffrances, leur culpabilité, et les raisons pour lesquelles ils ont préféré enfouir ce passé sous une chape de plomb.
Le récit va très loin dans la description de son ressenti, de ses émois d'adolescents, et dans le récit (romancé, mais jusqu'à quel point ?) de la rencontre amoureuse de ses parents, et des circonstances dramatiques qui leur ont permis de fonder un foyer. Confronté à la réalité des faits, Philippe Grimbert a dû revisiter l'image idyllique du couple parental, et reconstituer sa propre identité au travers de l'histoire douloureuse de sa famille. J'ai été frappée par la force intérieure et par la grandeur d'âme de ce tout jeune homme qui décide d'assumer ce lourd passé et qui, sans lui témoigner de rancune, tend la main à un père dont il devine la profonde tristesse, la culpabilité, les tourments...
Un livre poignant, bien écrit, et sincère, je le recommande.