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LCI + HADOPI = dangers…

Publié le 01 mai 2009 par Alaindumait

Un correspondant me demande mon opinion sur la loi dite « création et Internet » (LCI)

J’avoue que je n’avais lu qu’assez distraitement, jusqu’à présent, ce projet de loi qui a tourné au psychodrame que l’on sait, un certain 9 avril 2009, à l’Assemblée Nationale, les députés socialistes ayant trouvé une majorité en séance pour que texte gouvernemental soit rejeté…

Je reviendrai une autre fois sur la question de l’absentéisme parlementaire.

Je ne veux aujourd’hui ne traiter que le sujet des droits d’auteur à l’ère d’Internet.

L’appareil bureaucratique que la loi se propose de mettre en place a de quoi faire peur.

Il s’agit de mettre sur pied une nouvelle AAI, Autorité administrative indépendante – type de structure, de la famille des OVNIS, qui n’existait pas il y a 30 ans, et qui maintenant pullulent… – qui s’appellera HADOPI, pour « Haute autorité pour la Diffusion des Œuvres et la Protection des Droits sur Internet », qui aura des moyens techniques et réglementaires lui permettant de détecter les téléchargements illégaux (?), de les poursuivre (?), et même d’obliger les fournisseurs d’accès à suspendre les connexions pour les fraudeurs (?). Bigre !

Pour la raison qu’artistes et éditeurs s’estiment evidemment lésés quand leurs œuvres sont diffusées sur Internet, illégalement, sans acquitter le moindre droit d’auteur.

On remarquera, sur ce point, qu’un certain nombre d’artistes se trouvent très bien d’être copiés…

Toutes sortes de points de vue se sont exprimés. Apparemment toutes les familles de pensée et toutes les catégories d’acteurs se retrouvent divisées : les socialistes, les UMP, les créateurs… et tout autant les libéraux !

Il me semble que la question peut être examinée en trois parties :

- Les droits d’auteur sont-ils des vrais ou des faux droits ?

- Sont-ils justes ?

- Sont-ils porteurs de progrès collectifs ou non ?

Sur le premier point je ne peux faire mieux que de renvoyer à un texte récent d’Henri Lepage

C’est par abus de langage que le droit de propriété intellectuelle est assimilé au droit de propriété tout court. En vérité, tout oppose la propriété sur les biens tangibles et sur les biens non tangibles. Le premier est d’ordre naturel. Le second est un privilège, d’abord accordé par le roi d’Angleterre aux inventeurs, au XVIe siècle, puis, progressivement, à partir du XVIIIe siècle, reconnu à tous les auteurs.

Comme le dit Henri Lepage : « où a-t-on vu qu’il existerait un droit à ne pas être copié ? » Le seul droit que nous ayons est de tout faire pour empêcher les autres de s’approprier la création de valeur pouvant en découler, sans porter atteinte aux droits d’autrui.

Un écrivain ou un artiste peut garder son œuvre pour lui tout seul.Il peut aussi s’associer à un éditeur pour lui donner une certaine diffusion et en tirer un profit.

Évidemment, sans protection, le plagiat est inévitable, surtout si la création a du succès.

Sans protection, un romancier ne vendrait sans doute qu’un seul tirage de son oeuvre, les copistes se mettant immédiatement sur le marché. Et s’agissant de films, des DVD pirates seraient rapidement disponibles aux quatre coins du monde, et c’est d’ailleurs exactement ce qui se passe…

- Supposons que l’on soit partisan des droits d’auteur et qu’on les trouve légitimes. Encore faut-il des défendre, et mettre en œuvre des moyens importants pour réaliser ce projet. Sans y parvenir toujours, et souvent assez mal.

C’est d’ailleurs l’une des objections des adversaires de la loi « Création et Internet » : elle ne sera pas vraiment applicable. Pour la même raison, on a déjà renoncé à la taxation forfaitaire des liaisons à haut débit…

En matière de justice, un axiome, qui remonte d’ailleurs à la bible, nous dit : « il n’y a pas de justice si on ne peut l’appliquer ». C’est une limite pratique mais importante. Il n’y a de vrais droits que ceux qu’on peut défendre soi-même, ou, par délégation, par le biais d’institutions simples et acceptées, parce qu’elles sont efficaces.

- Une autre distinction est à faire. Le droit de propriété est créateur d’ordre, solution aux conflits sociaux. Il est le prolongement de la propriété de soi-même. Le droit de propriété intellectuelle est au contraire créateur de conflits, parce que réducteur de liberté, il revient à l’attribution d’un privilège, forcément limité dans le temps.

Je remarque que les grandes inventions, supports des progrès principaux de l’humanité, n’étaient sans doute pas brevetables. Ni le feu, ni la roue, ni la pénicilline…

Les économistes sont divisés sur le point de savoir si le brevet, qui protège, favorise le progrès ou le frêne.

Les artistes le sont tout autant sur la LCI.

Entre un système réglementaire forcement inefficace et la liberté, toujours à la fois créatrice et destructrice, je suis résolument pour la seconde, et donc contre la création de l’HADOPI.


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