J’étais un peintre hâtif,
Vaniteux et vindicatif,
Mes doigts tremblaient atrocement
Et je saisissais ça et là
Au foie de mes folies
Des morceaux de dégoût.
Les amoureux me paraissaient comiques,
Je ne comprenais rien à leurs mimiques,
Comme des automates,
Ils allaient toujours deux par deux
En se traînant la main
Et n’avaient qu’un seul cœur pour quatre mains.
Ce fut ainsi.
Je grandissais,
Enfin… je m’aigrissais.
Peu à peu le tableau des vies
Que j’illustrais
Prenait forme, se dessinait,
Allait s’illuminant, s’enluminant,
Devenait flou…
Elle enfuit, je me senti floué.
Mon langage stérile
Rebondissait au sol,
J’avais des satisfactions puériles…
Et quel écart entre mes poèmes et la réalité !
Parfois, je me rêvais viril,
Barbare, sans conscience.
Je raillais la morale
Bouffonne, transparente,
Transpirant au front
De ces êtres étroits qui m’entouraient.
Reconnaîtrai-je un jour mon ignorance ?
Souvent, je vomissais l’admiration
Qu’ elle vouait aux paysages grotesques,
Aux fielleux couchers de soleils,
J’aimais la nuit.
La nuit, le silence,
J’engloutissais avidement
Les romans maniérés, les proses exotiques,
Je frappais à la porte
De toutes les écoles,
Hélas ! Toujours les mêmes femmes :
Empiriques, meurtrières, capricieuses,
Pleurnicheuses, voraces, insatiables…
Toujours les mêmes hommes :
Faibles, timides, esclaves, incompris…
Alors, le jour, je ne parlais plus d’art,
Avec qui aurais-je parlé ?
Non ! Ce qu’ils trouvaient tous beau
Je le raturais frénétique ;
Et, bien des fois, je vous ai confondu.
Je me suis fendu de sourires,
Souvent,
Mais, mes sourires
Avaient une tonalité
Malingre et entendue,
Une froideur dissimulée,
On ne voulut pas m’approcher.
J’ai essayé de vivre seul,
Mais, le soir babillard
Infusait à mon corps
Des besoins obsédants,
Des soubresauts d’alcool,
Des pulsions répulsives.
Je me mis à peindre de singuliers tableaux :
Les mouches,
Le cœur au bord des lèvres,
Que je crève…
Je me mis à aimer
Les êtres larvesques, difformes, infâmes, infirmes,
A la figure gribouillée
Dans le bouillon de la vie redondante.
Sarcastique,
Exhaustif,
Pulsionnaire,
Je me baignais dans mon malheur,
Et je riais à langue déployée
De leurs amours bâtards,
De leurs serments, de leur tendresse,
Partout, dans chaque étreinte
J’ai vu de la faiblesse.
Non ! Jamais je n’ai su être comme eux,
Jamais je n’ai su être heureux.
Que je sois dégraissé
A l’heure de l’autodafé !