Romaine, une fille complètement givrée…

Publié le 01 mai 2009 par Boustoune


On savait depuis le premier court-métrage d’Agnès Obadia que le personnage de Romaine, grande gigue trentenaire jouée par la cinéaste elle-même, était un peu givrée. (1) Avec Romaine par moins 30, on en a la confirmation, au sens propre comme au figuré.
Douze ans après le long-métrage qui compilait trois aventures de Romaine, Agnès Obadia confronte son héroïne au froid du grand nord canadien, en même temps qu’à un épineux problème de… frigidité !
 
Tout commence par une double surprise. Déjà, celle de voir Sandrine Kiberlain reprendre le rôle, apportant son charme lunaire et sa fausse fragilité au personnage. Ensuite, celle que fait Justin à Romaine, en l’emmenant passer les fêtes de fin d’année au Québec, et peut-être même plus longtemps si elle accepte de vivre avec lui là-bas.
Sauf que Romaine n’aime pas les surprises, ni le froid, ni la pression, et encore moins les voyages en avion. Alors quand elle entend une hôtesse de l’air complètement flippée marmonner que l’avion va s’écraser, elle ressent l’irrépressible envie de dire à Justin tout ce qu’elle a sur le cœur. Il planifie trop les choses et lui donne trop rarement le droit d’exprimer ce qu’elle ressent, comme son désaccord pour aller vivre au Québec par exemple. Pire, alors qu’ils sont ensemble depuis plus de trois ans, il n’a jamais réussi à la mener jusqu’à l’orgasme. Elle ponctue sa diatribe d’un des « De t’te façon… » qu’elle utilise en permanence, histoire de prouver qu’elle ne pas tomber plus bas.
En parlant de tomber, l’avion ne s’écrase pas, mais le couple, lui, se désagrège complètement. Justin l’abandonne à l’aéroport, omettant de lui restituer son portefeuille et son billet de retour. Seule option pour Romaine : retrouver Justin, s’excuser et essayer de tout recommencer à zéro. « De t’te façon… » Mais comme avec cette ramasse-poisse, cela n’est jamais simple, il va lui falloir vivre bien des mésaventures avant de pouvoir atteindre son but. Et tout d’abord, réapprendre à s’affirmer et à s’accepter…
Pour guérir du mal étrange qui lui mine le moral et fait chuter sa température spirituelle en-dessous de zéro, quoi de mieux que de lui faire rencontrer des personnages encore plus givrés qu’elle ? Outre l’hôtesse de l’air maniaque de la propreté et angoissée en avion (Elina Löwensohn, très drôle), Romaine croise un beau gosse macho incapable de voir quand une fille est amoureuse de lui (Louis Morissette), un chauffeur de taxi obsédé par le mariage (Pierre-Luc Brillant), ou un médecin chinois, acupuncteur amateur en bisbille avec le fisc …
 
Fort de cette galerie de personnages hauts en couleurs, jouée par des comédiens impeccables, et de dialogues souvent très drôles, ciselés par Agnès Obadia, Lydia Decobert, Louis Bélanger et Laurent Bénégui, Romaine par moins 30 devrait être une comédie assez irrésistible. Pourtant, on reste sur notre faim. Tabernacle !
Le film n’exploite pas l’intégralité du potentiel comique des situations et des personnages. Les gags semblent bizarrement bridés, comme si la cinéaste avait hésité à jouer pleinement la carte du burlesque pour ne pas trop empiéter l’aspect étrange, quasi onirique du film (on pense parfois au After hours de Martin Scorcese, qui est bien sûr un bon cran au-dessus, quand même…). Ceci influence aussi le rythme du métrage, trop lent pour une comédie déjantée, mais trop rapide pour une chronique douce-amère.
Il en résulte un film à la fois attachant et agaçant, intéressant mais pas franchement abouti, à l’instar de sa fin un peu abrupte, qui prend le spectateur à contrepied.

Cela dit, Romaine par moins 30 est évidemment nettement supérieur à la plupart des comédies françaises de ces derniers mois. Grâce à ses répliques percutantes, au charme de l’accent et du jargon québécois ou à ses personnages « capotés ben raide » (2), comme ils disent là-bas... Grâce aussi à sa belle bande-son, qui marie Johnny Cash (« Ring of fire ») à Moriarty (« Jimmy »). Grâce aussi – et surtout - à son actrice principale, Sandrine Kiberlain, qui rappelle ici qu’elle possède un indéniable talent comique, sous-exploité par les réalisateurs français. « De t’te façon… »…

Note :
(1) Romaine, un jour où ça va pas, réalisé en 1989
(2) Hé, qu’est-ce que vous allez imaginer, vous autres, bande de maudits niaiseux de p’tits cochons, tabarnak ! Ca veut juste dire « complètement dingues » en jargon québécois…

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