Champion de la publicité en ligne, Google a annoncé le 11 mars
dernier l'évolution de sa plateforme Adsense permettant un ciblage
publicitaire par centres d'intérêt sur son réseau de sites partenaires
et sur le site de partage vidéo YouTube.
Concrètement, Google
va tenir un relevé des pages visitées par les internautes sur ces
sites. Leurs centres d'intérêt seront déterminés en fonction de leur
navigation. Le but ? Permettre aux marques de gérer leur présence sur
Google et sur les sites tiers selon les habitudes des utilisateurs. Par
exemple, si vous consultez souvent des sites sur le championnat de
football de votre pays, Google saura que vous serez, a priori,
sensible à des publicités sur des équipements sportifs liés à ce sport.
De même, si, par exemple, vous allez sur un site marchand et que vous
sélectionnez pour votre panier un téléviseur HD et que finalement, vous
ne l'achetez pas, Google permettra aux publicitaires de placer sur
votre chemin des publicités ayant attrait à cet objet. Tout cela grâce
aux cookies, ces petits fichiers textes stockés par le navigateur web
sur votre disque dur.
Rien de neuf jusqu'ici : d'autres
acteurs du monde de la publicité tels qu'AOL, Yahoo, Facebook,
Weborama, Phorm ou Blue lithium appliquent déjà ces méthodes. Mais
Google est aujourd'hui le premier moteur de recherche sur Internet :
selon le cabinet américain de statistiques ComScore, le moteur de
recherche a attiré 62, 8 % des requêtes mondiales en 2008 - contre
11,9% pour son premier concurrent, Yahoo!. Aux Etats-Unis, le taux de
pénétration du moteur de recherche a dépassé les 72% au mois de février
2009. L'audience de Google est énorme et le nombre d'usagers qui seront
potentiellement affectés par cette initiative est colossal.
Une personnalisation des services toujours plus accrue
Et
l'appétit du géant ne cesse de croître : son omniprésence et sa
capacité d'innovation à tous les niveaux a été frappante ces derniers
mois. Entre ses services de cartographie (Google Earth, Google Map et
Google Street View, Google Latitude) et son navigateur (Chrome fournit
des résultats à l'utilisateur avant même qu'il est validé sa requête
qui est, bien sûr, enregistrée) et son serveur vocal interactif (Google Voice), la bête de Moutain View peut facilement en savoir beaucoup sur nous.
C'est que l'on peut lui être utile. Si Google a déboursé 3,1 milliards
de dollars en avril 2007 pour racheter la régie publicitaire
DoubleClick, c'est qu'il avait déjà compris l'intérêt de la publicité
par ciblage comportemental - de même qu'il avait très bien compris
l'intérêt des données personnelles lorsqu'il s'est battu pour pouvoir
les conserver neuf mois. La firme californienne a affiché un bénéfice
net de 1,35 milliard de dollars au troisième trimestre 2008, dont 30 %
proviennent de la publicité. "Google se donne pour mission d'organiser
l'information du monde entier et de faire en sorte qu'elle soit
universellement accessible et utile", souligne Ryan Singel dans le
magazine américain Wired.
"Google affirme souvent que les publicités sont de l'information. Ce
que la firme ne dit pas, mais pense très sincèrement, c'est que vous
êtes de l'information a indexer, à rendre accessible et utile.
Inévitablement, Google va inventer des méthodes pour combiner toutes
les données qu'il obtient de vous dans le but de vous vendre plus cher
aux publicitaires. C'est ainsi que vous êtes utile. Google n'a rien
contre vous, vraiment. Rien de personnel, du moins. Google veut juste
vous connaître suffisamment pour vous vendre. Et pense sincèrement que
vous aimerez les publicités plus personnalisées".
Sauf qu'en
occupant une place si dominante, Google remet au goût du jour les
inquiétudes des utilisateurs du "village planétaire" sur la protection
de leur vie privée. Tim Berners-Lee, l'inventeur du web et président du
World Wide Web Consortium (W3C), s'est publiquement inquiété
du développement de ce type de ciblage, en le comparant à
l'installation de caméra de surveillance chez soi. L'information ainsi
récoltée peut tomber entre de "mauvaises mains", argumente-t-il :
celles de services secrets, de pirates ou de harceleurs en tout genre.
Les internautes veillent
Mais Google a toujours un temps d'avance. La récente mésaventure subie
par Facebook lorsque ses dirigeants ont tenté de modifier les
conditions d'utilisation du site a servi de leçon. L'air de rien, le
réseau social tentait, le 4 février dernier, de s'arroger un droit perpétuel et irrévocable
d'utiliser à souhait l'ensemble des contenus déposés sur son site, sans
que les internautes aient la possibilité de les effacer avant de se
désinscrire. Une tempête de protestations et d'annulations de compte
s'est levée et, déchaînée, est parvenu à faire battre en retrait la
firme californienne. Machine arrière toute, excuses répétées de la
direction et ouverture du débat avec les membres
: Facebook propose désormais à ses utilisateurs de l'aider à définir
ses nouvelles conditions d'utilisation. En quelques jours, le réseau
social passait donc du monstre mercantile et autoritaire susceptible de
porter atteinte à la vie privée de ses membres à la plus grande
démocratie du monde (175 millions de membres).
"Don't be evil" ("ne soyez pas mauvais"), dit la devise
historique de Google : pour inspirer confiance et entretenir l'image de
la marque, il faut éviter de causer du tort à ses utilisateurs. Il y a
longtemps que Google l'a compris. Mais Eric Schmidt, le PDG de la
firme, a très récemment cette formule par une "échelle du mal" : les
petits "maux" sont désormais autorisés tant qu'ils visent de plus
grands biens, entendez, les milliards de bénéfices. Mieux vaut un
Google imparfait que pas de Google du tout,
n'est-ce pas ?
Immédiatement comparé à un nouveau "Big Brother",
le géant a anticipé toutes ces critiques en lançant le "Ads Preferences
Manager" , un gestionnaire de préférences publicitaires qui permettra
de visualiser, d'ajouter et de supprimer des centres d'intérêts
attribués par Google ou même de refuser toute annonce basée sur ce
système. Rendez-vous dans la section "Préférences" de la page d'accueil
du moteur de recherche où il est possible de supprimer le cookie de
DoubleClick et d'en installer un autre qui empêche Google de pister
l'usager sur le navigateur utilisé. Google offre même un plug-in pour
les navigateurs Internet Explorer (IE) et Firefox (mais pas pour
Chrome) qui permet de remplacer immédiatement ce dernier cookie s'il
venait à être effacé. Les responsables de Google ont en outre affirmé
que le ciblage excluait les emails ou les visites de sites considérés
comme "sensibles" (religion, santé, pornographie, politique, etc.). De
quoi rassurer ses utilisateurs.
La publicité par ciblage
comportemental semble donc avoir de beaux jours devant elle : mais avec
Facebook comme pour Google, elle devra être participative pour
exister. Et ceux-ci n'auront qu'à bien se tenir : les internautes les
surveillent...
Auteur : Mouna El Mokhtari
Source : laweberaie
Publié par : Nicolas Marronnier
Publié sur : le vide poches
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