François Bayrou se plaît à le répéter : il ne figurera pas, lui, au tableau de chasse de Nicolas Sarkozy. Le président du Mouvement démocrate a été reçu hier matin par le chef de l’Etat, qui lui aurait fait - a-t-il insinué - des appels du pied. « Ces temps-ci, le président de la République collectionne les trophées que, dans les châteaux, on accroche dans l’escalier. Eh bien, vous aurez remarqué que je n’ai pas une vocation de bête à cornes », a-t-il expliqué à la sortie de l’Elysée. Cet entretien entre les deux hommes, officiellement consacré à la situation du pays, intervient alors que le leader centriste réunit ses troupes à partir d’aujourd’hui et pour trois jours à Seignosse (Landes). Une étape clef avant le congrès fondateur du parti, vraisemblablement fin novembre.
« Pas une virgule à changer »
Quelque 2.500 personnes se sont mobilisées pour assister à la rentrée politique de François Bayrou (après trois mois de silence et de blues) et lui permettre de délivrer un double message : non, il n’est pas seul, même s’il est très isolé à l’Assemblée ; et non, l’existence d’un centre indépendant, ni droite-ni gauche, n’a pas volé en éclats avec les élections législatives. Le troisième homme de la présidentielle rêve toujours de capitaliser sur les 18,57 % des suffrages - 6,8 millions de voix - qu’il a recueillis sur son nom le 22 avril.
D’un côté, il veut croire que le PS ne peut se rénover « ni à court ni à moyen terme », parce qu’il est confronté à une « double crise » de ligne politique et de leadership. De l’autre, il est persuadé que l’état de grâce dont bénéficie Nicolas Sarkozy sera bientôt terminé. Comme pendant la campagne, c’est d’ailleurs à ce dernier qu’il entend réserver ses flèches les plus acérées pour se poser comme son principal opposant, même s’il assure ne pas vouloir tomber dans une « guérilla » systématique. Par rapport à son discours de campagne, « il n’y a pas une virgule à changer », souligne Eric Azière, un de ses conseillers électoraux. Cette semaine, François Bayrou a déjà sonné la charge. Mardi, sur Canal +, il s’est dit « éloigné » des « valeurs » et des « choix » du chef de l’Etat, « fasciné par l’Amérique » et accusé d’aimer « la société de l’argent roi » ; mercredi, il lui a reproché, dans la revue « Commentaire », d’incarner « un métissage inédit entre néo-bonapartisme et néo-conservatisme » ; hier, il a affirmé dans « Le Point » que sa façon de gouverner « aggravera les problèmes de la France ».
Le Modem à construire
Sur le papier, le président du Modem, qui entend batailler tout l’automne pour l’introduction d’une dose de proportionnelle aux prochaines législatives, a une carte à jouer d’ici à 2012. Mais la tâche est immense et la voie très étroite. Outre que le PS n’est pas encore enterré, le Mouvement démocrate est entièrement à construire. Or comment tirer son épingle du jeu aux municipales, alors que le mode de scrutin pousse à des alliances ? Et comment concilier, sur le fond, les aspirations des nouveaux adhérents (souvent issus de la gauche) et les anciens (de sensibilité plutôt libérale) ? Déjà, des tensions apparaissent au grand jour sur la forme à donner au nouveau parti. Dans « Le Figaro » d’hier, le sénateur Jean Arthuis, habituellement très mesuré, appelle tous les centristes à se rassembler au sein de l’UDF, souhaitant que François Bayrou sorte de sa « vision messianique » et comprenne qu’« on ne gère pas un parti comme une secte ». Quant au conseiller de Paris et ancien ministre Didier Bariani, il critique la « fuite en avant » du Modem vers la gauche et réclame que l’UDF conserve « pour une période transitoire au moins » une existence propre au sein du Mouvement démocrate, ce que François Bayrou (hostile à des courants) veut éviter. La réunion du comité exécutif de l’UDF, mardi soir, aurait donné lieu, sur ce point, à des échanges assez vifs.
Source Les Echos