Quelques rares adeptes célèbrent notre Puissance
en s'unissant sexuellement à une femme.
Par le Geste de Vajrolî,
leur corps devient (indestructible comme le) diamant. 7
"Le Geste de Vajrolî" consiste d'abord à faire l'amour sans perdre sa semence. Comme dans le Geste de Khecarî, l'idée sous-jacente est que le sperme est la quintessence de l'énergie vitale produite par la digestion des aliments. En le conservant, le sang est peu à peu remplacé par le sperme, la "lune" l'emporte sur le "soleil", et la mort est mise à mort.
Ceux qui sacrifient à tous les dieux
par les cinq grands sacrifices,
eux aussi finissent par se résorber en la Puissance,
sans aucun doute. 8
"A tous les dieux" : aux divinités, aux Voyants (Rishis), aux ancêtres, aux sages et aux éléments. Par ces rituels brahmaniques orthodoxes, on finit par atteindre la même parfaite conscience de soi.
Je suis le suprême Shiva, le Puissant, en forme de méthode :
je suis la voie des activités quand (je me connais sur le mode de la) distraction,
je suis la voie de la connaissance quand je me désire dans la mémoire,
je suis la voie de Shiva quand j'aspire à l'expérience intuitive. 9
L'auteur définit ici les trois "méthodes" (upâya) dont parle Abhinavagupta dans sa Lumière des tantras. La voie des activités, des pratiques comme le yoga, est une voie qui présuppose un oubli à peu près constant du Soi. Le yoga se veut un remède contre cette distraction.
En dehors de (toute) méthode,
j'existe intuitivement comme existence (pure et simple).
Me délectant de la force du Soi,
je suis le Grand, le Puissant, le suprême Shiva. 10
Après les trois méthode, l'auteur décrit l'absence de méthode (anupâya), car le Soi est l'évidence même.
La Reconnaissance ferme et intégrale de la Puissance
advient par les Cinq.
Ainsi ceux qui adorents ces Cinq
sacrifient grâce à eux. 11
Les "Cinq" sont les femmes, la viande, l'alcool, le poisson et les graines grillées. Abhinavagupta ne mentionne que les trois "absolus" (brahman) : sperme, viande et vin. Il s'agit du rituel kaula, le "sacrifice primordial" (âdiyâga), décrit par Abhinavagupta dans le chapitre 29 de la Lumière des tantras en particulier.
Amritavâgbhava, Le Grand Arcane des Parfaits (Shrîsiddhamahârahasyam), Jammû 1983.