(Attention : la critique qui suit dévoile des moments-clés du film)
La dernière maison sur la gauche, isolée près d’un lac de montagne, à l’orée d’une forêt, c’est la résidence secondaire des Collingwood, venus s’y ressourcer après un événement tragique.
Ils sont à peine installés que leur fille, Mari, emprunte la voiture familiale pour faire un tour en ville avec sa copine Paige. Les deux jeunes femmes, attirées par la perspective de trouver de la drogue à bas prix, acceptent de suivre Justin, un dealer de leur âge, jusqu’à sa chambre d’hôtel. Elles ignorent que celui-ci est le fils d’un dangereux psychopathe, qui vient juste de s’évader de prison à l’aide de son frère et de son amie…
La première partie du film fait monter lentement la tension. Le spectateur sait depuis le début que des criminels impitoyables sont en liberté et rôdent autour de la petite ville et devine que les deux personnages féminins vont avoir à faire à eux. Il a peur pour elles, et son empathie à leur égard n’en est que renforcée. Ceci permet d’accentuer le choc des séquences suivantes, quand la violence explose enfin et que rien ne nous est épargné du calvaire des deux amies, battues, violées, torturées et laissées pour mortes.
La seconde partie, elle, montre la vengeance des parents de Mari contre les bourreaux de leur fille. Le gang, sans véhicule et surpris par l’orage, a la mauvaise idée de chercher refuge auprès de la première habitation qu’ils trouvent. Ils ignorent que c’est celle des parents de Mari… Ceux-ci accueillent d’abord à bras ouvert ces réfugiés. Ils les nourrissent, les soignent et les hébergent même pour la nuit, le temps que la tempête soit passée. Mais quand il comprend que le groupe a fait du mal à leur fille adorée, le couple va répondre à la violence par la violence, et c’est le début d’une nuit de sauvagerie…
Si le premier acte était traumatisant du fait de son réalisme et de l’horreur viscéral qu’il suscite, le second acte joue plus la carte du thriller horrifique classique, riche en effets sanguinolents. Il est cependant tout aussi efficace, le suspense étant mené avec beaucoup de savoir-faire, grâce à une utilisation habile des cadrages, des mouvements de caméra et de la musique. De toute façon, si le film fonctionne, c’est aussi et surtout par le malaise qu’il fait naître chez le spectateur, à la fois vaguement fasciné et révulsé par la barbarie de Krug et sa bande, mais aussi étonné de voir à quel point il lui est facile de s’abandonner à ses plus vils instincts sadiques – Les applaudissements du public quand les victimes se transforment en bourreaux parlent d’eux-mêmes…
La dernière maison sur la gauche est un film d’horreur particulièrement éprouvant, mené non sans brio par un jeune cinéaste d’origine grecque, Denis Iliadis. On pourrait presque parler de coup de maître, de film-référence du genre, si le film n’avait déjà été fait avant, en mieux…
Il s’agit en effet du remake du film éponyme de Wes Craven, daté de 1971. Le cinéaste américain, aujourd’hui considéré comme l’un des maîtres de l’horreur, avait lancé sa carrière avec cette œuvre au budget minimaliste et à l’image granuleuse, tournée dans la propriété du producteur Sean S.Cuningham. A l’époque, ce film avait choqué public et critiques en raison de son hyperréalisme, de sa violence quasi-insoutenable. Aujourd’hui encore, même après le déluge de films à la violence sadique gratuite héritée de Saw et consorts, l’œuvre est toujours aussi traumatisante. Plus que le film d’Iliadis, et c’est là que le bât blesse…
Je peux comprendre l’intérêt des producteurs dans la mise en chantier de remakes de vieux films. Il y aura toujours un public de jeunes américains trop flemmards pour faire l’effort de trouver et voir les œuvres originales, qui viendront en salle remplir les tiroirs-caisses. Et il faut bien avouer qu’une petite remise à neuf ne peut pas faire de mal à des œuvres qui ont souvent mal vieilli. Et tant pis si, ici, le sous-texte politique du film de Wes Craven – la décadence de la société américaine, alors marquée par le bourbier vietnamien – passe ici à la trappe…
Ce que je ne comprends pas, en revanche, c’est pourquoi l’œuvre originale a été édulcorée… La version de Wes Craven était, me semble-t-il, beaucoup plus sombre et désespérée. Dans mes souvenirs, aucune des deux jeunes femmes ne s’en sortait et la vengeance des parents était préméditée et particulièrement sauvage. Ici, la famille Collinwood affronte les psychopathes car c’est le seul moyen de pouvoir évacuer les lieux sans être inquiété. La seule scène un peu ambigüe est la séquence finale, mais elle tombe un peu comme un cheveu sur la soupe et s’avère assez ridicule et parfaitement inutile.
Certains vont probablement penser que je fais mon difficile, et qu’à ce petit jeu des comparaisons, le film de Wes Craven ne fait pas le poids face à La source de Bergman, qui développe une trame narrative très similaire. Pas faux, mais les deux films ne boxaient pas vraiment dans la même catégorie… Le film de Bergman, certes oppressant et âpre, n’était pas à proprement parler un film d’horreur et n’était qu’un prétexte au développement de certaines thématiques propres à l’auteur… Dans le cas présent, on compare deux films destinés à terrifier le spectateur, à le secouer au point qu’il ait envie de sortir de la salle. Et désolé, le film d’Iliadis ne possède pas l’intensité de celui de Craven…
Cela dit, La dernière maison sur la gauche version 2009 s’élève nettement au-dessus de la moyenne des récentes productions de film de genre hollywoodien. Le public amateur de sensations fortes y trouvera probablement son compte. Les âmes sensibles s’abstiendront…
Note :