Des lecteurs m'ont posé cette question : «la légèreté dont il est question dans ce livre, est-ce une invention de romancier ou bien quelque chose que les cavaliers recherchent vraiment ?»
En quelques mots, la légèreté est une sorte d'état de grâce que ressent le cavalier lorsque son cheval n'oppose plus aucune résistance à sa volonté et que tous deux se fondent ensemble dans un souffle chorégraphique que les spécialistes appellent : les airs de Haute-Ecole. L'animal livre toute sa force et sa puissance et y consent volontiers, car l'homme ne l'y contraint pas par un commandement autoritaire, mais l'y entraine avec tact et délicatesse comme il inviterait une jolie femme dans une danse. Ainsi, le cheval évolue dans un équilibre parfait, y trouve un réel état de bien-être et consent à mettre son âme et toute son énergie dans le mouvement. Alors, la communication entre l'homme et le cheval est très intime, d'une subtilité infime, c'est une connivence. L'homme ne dit plus rien, le cheval sait, le mouvement se produit de lui-même dans la grâce et la légèreté et c'est grandiose. C'est une communion plutôt qu'une communication, l'ensemble homme-cheval ne forme plus qu'un, c'est un peu le mythe du centaure.
Ainsi, la légèreté est une disposition physique et mentale que les cavaliers cherchent à obtenir d'eux-mêmes et du cheval, et beaucoup la cherchent pendant très longtemps, comme une sorte de quête du Graal.
C'est dans cet état de grâce qui est infiniment fragile que le héros du roman, Eugène Rideau, se dit en prière.
Cette quête se suffit à elle même, pour le Maître de manège elle est une fin en soi, c'est pour cela que la petite Câline, sa filleule et élève, dit qu'on donnerait sa fortune pour connaître la légèreté.