Le dîner du CRIF a lieu tous les ans depuis maintenant 24 ans et est devenu un des événements les plus mondains de l'année. Y participant pour la première fois cette année, je peux vous en parler de l'intérieur. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est très amusant à voir.
Tout commence en entrant dans le Bois de Boulogne, à proximité du pavillon d'Ermenonville où se déroule le dîner. Dispositif de sécurité impressionnant, policiers plus jeunes du SCPJ quadrillant le périmètre à côté des camions de télévision d'I-Télé, de BFM TV et d'autres médias importants. Avec bien entendu les équipes de Public Sénat qui, pour la deuxième année, couvrent la totalité du dîner en direct sur leur chaîne.
Arrivé dans la salle grâce au fameux carton, l'invité est pris en main par une organisation parfaitement huilée: remise du carton de table avec le plan de salle au verso, vitesse d'exécution du vestiaire, bref on arrive rapidement à la première étape significative de la soirée. Le buffet.
Dans une salle assez vaste pour accueillir les 800 invités, le traiteur avait disposé à tous les coins de délicieux canapés et mises en bouche, souvent originaux par rapport aux classiques traiteurs cashers de mariage ou de bar-mitzvot. Et pour cause, le traiteur est la division casher de Potel & Chabot. Halavi, c'est à dire sans viande, le buffet était excellent, ainsi que le dîner, mais j'y reviendrai.
Ce qui amuse beaucoup lors du buffet, c'est de se balader au milieu de personnes qu'on a plutôt l'habitude de voir à la télé. Tiens, voilà Rachida Dati en plein conversation. Ici André Vingt-Trois avec sa robe de Cardinal. Surprise de constater que Christine Lagarde faisait au moins 1 m 85. Fascination devant la beauté et la classe de Rama Yade. Une fois remis de sa stupéfaction de naviguer dans ces eaux mondaines, on se ressaisit et on fait le point.
Le gouvernement au quasi-complet, à l'exception de 2 secrétaires d'Etat avec lesquels j'aurais vraiment aimé discuter: Nathalie Kosciusko-Morizet et Martin Hirsch. Bien entendu des personnalités de gauche: Benoît Hamon, Bertrand Delanoé, Jack Lang, Harlem Désir, mais deux grandes absentes tout de même: Martine Aubry et Ségolène Royal.
Quelques personnalités des médias: Daniela Lumbroso, Jean-Pierre Elkabbach, Paul Amar, Etienne Mougeotte. Des personnalités religieuses: évidemment Dalil Boubkeur, Recteur de la mosquée de Paris côté musulman, le Cardinal André Vingt-Trois pour les catholiques, et pour la "religion invitante" toute la gamme des rabbins de la communauté: le Grand Rabbin de France Gilles Bernheim, le Grand Rabbin Sirat, le rabbin Serfati responsable de l'Amitié judéo-musulmane, le rabbin Yossef Itzhak Pewzner du mouvement Loubavitch, le rabbin Rivon Krygier du mouvement Massorti, etc, etc...
Bref, une assemblée dont je ne pense pas qu'il en existe l'équivalent pour un quelconque autre motif et qui permet véritablement d'aborder qui on veut si tant est qu'on ait quelque chose à dire, qu'on joue le jeu de la courtoisie élémentaire que requiert cet exercice et qu'on passe outre la fascination qu'exerce cette concentration de pouvoirs en un seul lieu.
J'ai par exemple pu discuter avec Alain Madelin de ses interventions le mardi matin dans Good Morning Business sur BFM, échanger avec Jean-David Lévitte sur son expérience aux EEIF (en me disant d'ailleurs qu'il y a en ce moment 2 EI à l'Elysée: lui et Arnold Munnich, conseiller du Président), prendre conscience du fabuleux métier de Jack Lang qui m'a donné l'impression qu'on était amis depuis 20 ans lorsqu'il me serra la main, ou encore instruire Harlem Désir sur le règlement intérieur du CRIF.
Petite animation lorsqu'un troupeau de caméras, de journalistes et d'invités coagule autour d'un nouvel hôte. Qui peut bien provoquer cette agitation ? Bien entendu, notre omni/hyper/global Président (rayez la mention inutile) autour duquel s'agglomèrent toutes les abeilles qui rêvent d'apparaître un jour en photo à côté du plus haut pouvoir de la République. Vanité des vanités...
Une fois le buffet achevé, on arrive dans la grande salle de dîner où on est prié de s'asseoir afin d'écouter:- l'introduction du Directeur Général du CRIF, Haïm Musicant- Le discours du Président du CRIF, Richard Prasquier- Le discours du Premier ministre, François Fillon
Je vous passe les discours de nos amis. D'abord parce que que vous pourrez aisément les trouver sur la toile. Et puis ensuite parce que ce ne sont en réalité que des variations autour des mêmes thèmes depuis des années: l'antisémitisme et la situation en Israël. Le dîner 2009 a été un très bon cru de ce point de vue puisque sur ces deux sujets, il y avait en effet beaucoup à dire après la guerre de Gaza et ses conséquences sur la recrudescence des actes antisémites associés.
Mais je vous rassure, pas de quoi changer la face du monde: un léger frisson lorsque l'UOIF est mise en cause, quelques discussions dans la salle lorsque Durban II est abordé... Bref, il faut pas le dire, mais c'est la routine. Sauf qu'apparemmment, ce constat n'est pas partagé par tout le monde: après les discours, de nombreux invités se lancent dans des commentaires et des exégèses savantes sur le contenu des interventions des deux orateurs pour essayer de comprendre les messages subliminaux, les formules non diplomatiques, les engagements inattendus, etc, etc... C'est vraiment ça la politique ? Dernier acte, mais pas le moindre, de cette soirée, le dîner en lui-même. Joli innovation de Potel & Chabot qui sert deux assiettes superposées dont l'un contient l'entrée (filets de rouget) et l'autre le plat chaud, qui miracle est resté chaud pour les 800 invités. Bel exploit culinaire: réduire le nombre de services en envoyant entrée et plat en même temps, tout en assurant la stabilité gastronomique des plats. Bravo. Mais anecdotique, car le plus intéressant c'est le nouveau va et vient entre les différentes tables pour "réseauter" encore et toujours afin de faire le tour d'un maximum d'invités. Les seuls qui restent un peu polis sont les membres de la table d'honneur (en gros, les principaux membres du gouvernement) qui dînent sagement en devisant sous les innombrables photographes qui les assaillent.
Conclusion: une fort jolie soirée dans laquelle beaucoup de paroles et d'idées ont certainement été échangées, mais, comme d'habitude, dans le cénacle des conversations privées et probablement pas dans les discours momifiés des gens de pouvoir, prisonniers de leurs institutions respectives et de l'exercice imposé...