Je lis souvent le magazine "Psychologies". Et dans le numéro d'avril, "spécial écologie", j'ai beaucoup aimé la chronique de David
Servan-Schreiber, que voici :
La planète va très mal, donc nous aussi. Mon ami Michael Lerner a fondé, à la fin des années 1970, un centre d'accompagnement des personnes qui souffrent d'un cancer. On y enseigne la nutrition,
le yoga, une plus grande conscience de la valeur de sa propre vie pour apprendre à mieux la soigner. Mais depuis les années 1990, devant l'afflux de patients de plus en plus jeunes (dont les
maladies ne peuvent a priori s'expliquer que par la dégradation de notre environnement), Michael s'est trouvé face à un constat effrayant : on ne peut pas vivre en bonne santé sur une planète
malade.
Il y a mille manières de montrer que la santé de la planète et la santé de chacun d'entre nous sont intimement liées. Mais si nous devions choisir "une" action, celle qui aurait le plus grand impact sur l'équilibre écologique, quelle serait-elle ? Moins prendre la voiture ? Ne pas laisser couler l'eau quand nous nous lavons les dents ? Manger bio ? Mieux trier les ordures ? Non, ce serait simplement celle qui a aussi le plus grand impact positif sur notre santé : manger moins de viande !
A méditer : 30% des terres arables sont cultivées pour nourrir le bétail, et c'est une des principales causes de la déforestation. Les engrais et les pesticides utilisés pour ces cultures de maïs et de soja sont une des principales sources de dénaturation des sols et de pollution des rivières. Les gaz à effet de serre émis par le bétail contribuent davantage au réchauffement climatique que l'ensemble de l'industrie du transport (le New York Times a récemment calculé que si les américains réduisaient leur consommation de viande de 20%, cela équivaudrait à remplacer toutes les voitures du continent par des modèles hybrides).
Le fonds mondial de recherche contre le cancer concluait en 2007 que la consommation moyenne de viande rouge par personne ne devrait
pas excèder 500 grammes par semaine. En Europe de l'Ouest, elle est évaluée à 250 grammes par jour, et la France est en tête des pays européens. Un indien en consomme en moyenne 14 grammes
par jour et, à âge égal, vit en meilleure santé qu'un occidental (moins d'Alzheimer, de cancers, de maladies cardiovasculaires). Fascinant de voir comme tout est connecté ! Et que la meilleure
chose que nous puissions faire pour la Terre soit aussi une des plus largement démontrées pour protéger notre santé !
En 1854, le chef Seattle des tribus indiennes du Nord-Ouest remit solennellement son territoire et son peuple à la souveraineté des Etats-Unis. Le discours qu'il prononça à cette occasion a servi
d'inspiration, un siècle plus tard, au mouvement écologiste, qui l'a réinterprété de manière particulièrement percutante. Le testament du chef s'adresse, de façon plus pressante que jamais, aux
descendants des colons blancs que nous sommes : "Enseignez à vos enfants ce que nous avons enseigné aux nôtres, que la Terre est notre mère. Tout ce qui arrive à la Terre arrive aux fils de la
Terre. Si les hommes crachent sur le sol, ils crachent sur eux-mêmes. La Terre n'appartient pas à l'homme ; l'homme appartient à la Terre. Toutes choses se tiennent comme le sang qui unit une
même famille. Tout ce qui arrive à la Terre arrive aux fils de la Terre".
> David Servan-Schreiber est neuropsychiatre. Auteur de "Guérir" et d'"Anticancer" (où il parle de sa propre expérience du cancer), il a fondé et dirigé un centre de médecine intégrative à
l'université de Pittsburgh, aux Etats-Unis.