Voyage intérieur (notes de voyage)

Par Sandy458

(Notes de voyage en solo, 25/26 avril 2009)

Bien à l'abri dans mon cylindre de ferraille, je me déplace avec une paradoxale vélocité immobile.

Des rails au-dessous de moi et un réseau de câbles électriques au-dessus de ma tête délimitent le tube invisible et imaginaire ou mon convoi glisse sans obstacle.

Mon sac de voyage fatigué à mes côtés, quelques affaires, ma musique dans l'I-pod, un bon livre, un carnet de notes, j'aime voyager léger pour réserver une place libre aux possibilités.

Rallier la bonne gare, choisir la bonne voie, ne pas se fourvoyer dans les multiples options de correspondance, métaphores imparables de la vie.

Laisser momentanément mon existence derrière moi, quitter Paris dans ce fatras de rails et de ballast crasseux me donnent une impression de vertige, d'abandon, de fuite et de délicieux désordre.

Plus le train gagne en vitesse plus mon esprit se vide et plus je range dans un coin de ma mémoire ceux qui attendent mon retour, jusqu'à l'amnésie.

J'attends l'instant où nous allons croiser un autre convoi et où je vais imparablement frémir lors de la friction de l'air, ce moment précis où le bruit et le mouvement pendulaire feraient presque appréhender une dislocation ou un déraillement définitif.

Vision fugace et dérangeante du train renversé sur le toit qui glisse silencieusement au travers des champs de colza, sans rien pour le retenir.

Nous croisons des gares plus ou moins grandes, des villages, des forêts, des cours d'eau, des cultures.

Au travers de la vitre, le paysage devient improbable et irréel.

Et si rien n'existait et qu'il y avait le moyen de déchirer la toile de fond de ce décor ? Derrière toute cette mystification, qu'est ce qu'il y aurait ?

Et si le train s'arrêtait là, qu'est ce que je trouverais ?

Je pourrais descendre du train, sortir de la gare, enfiler les rues au hasard, passer un portail, taper à la porte d'une maison anodine.

Qui m'ouvrirait ?

Moi ?

Ou encore marcher jusqu'au cœur de l'une de ces forêts qui bordent les voies, s'asseoir au pied d'un arbre, fermer les yeux et écouter la vie s'écouler goute à goutte.

Et repartir, forcément. Quelqu'un m'attend.

Malgré la vitesse du train, je tente de capter un bref instant un visage, je souris devant ces enfants qui jouent dans un jardin, je suis du regard cette camionnette blanche qui circule sur une voie parallèle (immanquablement, les chemins se séparent, une pique dans le cœur).

Et puis, juste rêver de sauter dans les vies furtivement aperçues, farfouiller dans les mémoires, lire les pensées, vivre en parasite cortical une heure ou deux.

Poser quelques questions sans attendre de réponses...

Qui es-tu ?

Que penses-tu ?

Dis-moi ce qui te fait avancer ?

As-tu encore des rêves ou es-tu déjà complètement éteint ?

Avec le temps, voit-on vraiment les choses autrement ?

S'offrir plusieurs vies n'est-il pas l'ultime luxe inaccessible ?

Trouver des réponses à des questions insolubles ou se (re)retrouver peut-être pour mieux se (re)perdre ?

L'arrivée s'annonce.

Il est temps de reprendre place dans la pièce de théâtre jusqu'à la prochaine relâche, dans 2 semaines.

 
Pour les amateurs, une musique de circonstance : Simple Minds, I travel, 1980.