Lawrence Summers est un grand homme. Conseiller économique le plus influent de Barak Obama, c’est le dernier ministre des finances de Bill Clinton (il a aussi travaillé dans l’administration Reagan). Il a été un des plus jeunes professeurs de Harvard, qu’il a dirigé, il est le neveu de deux prix Nobel d’économie. Lui-même a reçu tous les prix qui annoncent l’arrivée du prix Nobel. Larry Summers’ New Modelrésume les idées qu’il développe lors d’une conférence faite à des collègues économistes (j’ai extrait 2 de ses 5 points) :
1 - All crises must end. The “self-equilibrating” nature of the economy will ultimately prevail, although that may take massive one-off government actions. Such a crisis happens only ”three or four times” per century, so taking on huge amounts of government debt is fine; implicitly, we will grow out of that debt burden.
2 - We will get out of the crisis by encouraging exactly the kind of behaviors that “previously we wanted to discourage” two years ago. It is “this insight, this view” particularly with regard to leverage (overborrowing, to you and me) that “undergirds the policy program in the United States.”
Menace au changement : certitude
Intéressant ! Non seulement on entrevoit ici les « hypothèses fondamentales » qui guident le gouvernement américain, mais, aussi, voilà l’exemple typique de ce qui fait s’effondrer le changement : une pensée qui est incapable d’envisager son propre changement, de se remettre en question, qui est tellement sûre d’elle-même qu’elle pense commander à la nature.
Qu’est-ce qui nous dit que « toutes les crises doivent finir », que la « nature de l’économie » est d’être « auto adaptable » ? Que l’Amérique peut empiler des dettes démesurées qui seront effacées par une croissance inévitable ? Qu’est-ce qui a remis l’économie mondiale en place, lors de la crise de 29 : la nature de l’économie, ou une guerre et un interventionnisme forcené de tous les états mondiaux ?
La politique américaine est guidée par la foi. Pas tant une foi en l’économie, qu’en une confiance aveugle en son intelligence. Retour à la croyance néoconservatrice de l’ère Bush : il existe un bien et l’homme supérieur le connaît.
L'homme commande rarement aux éléments
The Economist (glimmer of hope?), lui, doute que l’économie mondiale reparte, autrement qu’en titubant. Il y a beaucoup de raisons pour cela :
- L’Amérique est extrêmement fragile : « un chômage élevé et une augmentation des faillites de banques pourraient facilement causer une nouvelle vicieuse dégringolade. »
- Et la demande mondiale ne va pas renaître : les banques européennes sont à la veille de révéler leurs pertes (1100md$), le Japon est surendetté et n’a plus de latitude pour stimuler son économie, et le chômage va faire de tels dégâts qu’il va empêcher la reprise de la consommation interne.
En fait, la crise pourrait causer l'impensable (pour Larry Summers) : attaquer le muscle de l’économie, sa capacité à produire : « Un chômage continu, des années de sous-investissement et de dettes publiques excessives (…) vont ébranler le potentiel sous-jacent de l’économie ».
Bienvenu dans une ère d’espérances réduites et de dangers permanents ; un monde où les responsables politiques doivent naviguer sous la menace imminente de la déflation tout en contrant les (raisonnables) peurs des investisseurs que des dettes publiques croissantes et un relâchement monétaire massif puissent finalement conduire à une forte inflation ; un monde inconnu où les emprunts du gouvernement atteignent un niveau jamais vu depuis la seconde guerre mondiale
Compléments :
- Début des tentatives de décodage de ce qui guide le gouvernement américain : Changement en Amérique (suite), Chronique d’une crise annoncée (dernier paragraphe).