par Didier Testot
Crédit photo : Lukáš Patkaň/SXC
Il faut le reconnaitre, le rebond des marchés financiers en ce début d'année a pu en surprendre plus d'un. Les plus prudents des investisseurs ont résisté à la tentation de ce rallye se concentrant sur la suite des évènements. L'économie mondiale va-t-elle mieux ? Les dégats industriels et humains de la crise financière sont-ils terminés ? Bien sûr que non et la situation du secteur automobile américain en est un exemple parmi d'autres des dégâts collatéraux très important qui sont en train de se produire.
Pour les banques américaines la situation se décrit de cette façon par Aurel BGC : "Les grandes banques américaines ont publié d’importants bénéfices sur le premier trimestre 2009. Une partie de ces derniers proviennent d’éléments exceptionnels ou d’astuces comptables. De fait, les CDS des grandes banques n’ont pas reculé suite à ces publications et les analystes financiers anticipent une nouvelle dégradation de leurs résultats au Q2 2009. Un véritable retour de la confiance sur les valeurs bancaires dépendra de plusieurs éléments : réussite des stress tests, rebond du marché immobilier et retour durable des profits. La situation des banques restera difficile à court terme". Bref pas de quoi sabrer le champagne.
Et en France, là c'est autre chose, on apprend en quelques heures que Daniel Bouton, le président du conseil d'administration de la Société Générale décide finalement de partir plus d'un an après l'affaire Kerviel, au lendemain de la réussite par la BNP Paribas de son rachat de Fortis, après une assemblée générale "agitée" selon les observateurs, et faisant au passage de BNP Paribas, le premier réseau de banque de détail en Europe, pour terminer par l'arrivée de Laurent Mignon ex Oddo et Cie à la tête de Natixis, appelé à ces fonctions par François Pérol, le nouveau patron de la CNCE et de la BFBP. Bref ça bouge dans les banques.
Revenons à nos moutons, à M. Bouton, qui nous décrit dans un communiqué daté du 29 avril sa démission : "J’ai décidé de mettre fin à mes fonctions de Président du Conseil d’administration de la Société Générale à compter du 6 mai. Le Conseil d’administration élira à cette date un nouveau Président. La Société Générale a connu sous ma direction dix années de croissance forte et harmonieuse pour les clients, les salariés et les actionnaires au 1er rang desquels les salariés, avec un bon équilibre entre les activités de banque de détail en France et à l’étranger et une banque de financement et d’investissement de grande qualité. L’entreprise a montré une formidable unité après la fraude Kerviel ; dès sa découverte, j’ai présenté ma démission. Le Conseil d’administration l’a refusée. L’augmentation de capital, garantie en 48 heures, puis réussie a sauvé l’entreprise et montré la confiance des actionnaires. Aujourd’hui, la transition amorcée il y a un an par la nomination de Frédéric Oudéa au poste de Directeur général exécutif peut s’achever. Les attaques répétées qui me visent personnellement, en France, depuis 15 mois m’affectent mais surtout elles risquent de nuire à une banque de 163 000 personnes. C’est depuis un moment ma conviction. Elle est partagée par les administrateurs. Dans la tempête financière et économique actuelle, il faut privilégier l’unité. Il vaut mieux que je me retire fier d’avoir dirigé une entreprise magnifique. Comme tout dirigeant j’ai certainement fait des erreurs mais la stratégie adoptée permet à la Société Générale de compter parmi les banques les plus belles de la zone euro. J’ai confiance en l’avenir de la Société Générale."
J'ai préféré mettre son communiqué en entier, afin d'éviter les mauvaises interprétations. Derrière cette communication se cache sûrement une blessure de ne pas avoir su ou pu faire face, malgré son expérience et ses réseaux, à la campagne contre sa personne.
Plus jeune banquier de la place lorsqu'il pris la tête de la Générale, pour la transformer radicalement, le départ de Daniel Bouton me ramène à celui de son prédécesseur Marc Viénot, dans un tout autre contexte.
Je n'oublierai pas comment alors qu'il avait laissé la place à Daniel Bouton, Marc Viénot au lendemain de sa passation de pouvoir, restait un grand homme par la taille, mais soudainement totalement ignoré par ses pairs, il errait donc dans cet endroit, cela se passait à l'Automobile Club, lieu de rendez-vous à l'époque de la finance parisienne, comme abandonné par les siens. Il n'avait plus le pouvoir ! Cela m'avait marqué, le pouvoir de ces grands patrons attirait de nombreux "amis", mais dès que vous l'aviez quitté, votre valeur était proche de zéro.
C'est sans doute ce que va vivre Daniel Bouton, ses amis d'hier qui se bousculaient pour lui serrer la main et d'un "Monsieur le Président" en baissant la tête, feront semblant de ne plus le reconnaître.