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Hubert Nyssen, cinquième

Publié le 28 avril 2009 par Irigoyen
Hubert Nyssen, cinquième

Hubert Nyssen, cinquième

Il s‘agit d’un roman sorti en 1998. L’écrivain Éléonore Korab, qui a, entre autre signé Le violoniste de Dresde, vient de mourir. Archibald, son fils retrace alors l’histoire de cette mère au goût prononcé pour la dissimulation. Archibald : drôle de prénom hérité d’un colonel américain, rescapé du Titanic et dont la chronique de l’événement a été publiée par la presse du monde entier.

Pas de doute: nous sommes bien dans l’univers d’Hubert Nyssen. Voici une nouvelle Éléonore qui a toujours un rapport avec la ville allemande de Dresde. La référence au Titanic est là, aussi – l’auteur y reviendra dans l’interview qu’il m’a accordée -. Pas question de carnet, en revanche, mais vous remarquerez bientôt que le thème du double est présent aussi dans ce roman.

Tout cela me conduit à une réflexion.

Il y a quelques années, je me souviens d’avoir lu un critique littéraire comparer les romans de Patrick Modiano à un manège. Selon lui, le spectateur, qui a pourtant conscience de la diversité des éléments constitutifs d’un carrousel à l’arrêt, voit toujours la même chose lorsque la structure est en marche. Je me demande si, pour Hubert Nyssen, ce n'est pas l'exact inverse. Tout paraît identique à première vue. Et dès que la machine se met en route c'est une nouvelle symphonie qui commence et dont l'un des effets est de dérouter le lecteur.

Qui est vraiment Éléonore ? Archibald est-il le mieux placé pour trancher ? Difficile d'y voir clair d'autant que ladite mère a un talent fou pour brouiller les pistes. L'extrait suivant suggère un jeu de séduction. La mère d'Archibald serait-elle un double de celle qui fascine tant Jean Pratt, dans Éléonore à Dresde ? Il m'arrive de le penser.

« C’est une actrice que chaque fois je vois, en noir et blanc, dans la tradition du néoréalisme italien, une actrice qui, d’un instant à l’autre, se débarrassera de son accoutrement, sortira du décor, tombera dans les bras d’un metteur en scène et ainsi me révélera que ma mère est redevenue la vedette de mes rêves anciens. »

Personnalité multiple, donc, que celle d'Éléonore qui, après la mort en captivité de son mari, s'est éprise d'un Allemand, Joachim Debus, qu'elle appelle son Kriegsschatz, son « trésor de guerre ». Il me semble que le terme a lui aussi un sens double, « Schatz » pouvant être compris comme un mot doux mais aussi comme un butin qu'il s'agirait de conquérir. Conquérir, sans jamais se révéler entièrement.

« Un monde du simulacre où la représentation a plus de présence et de vérité que son modèle. Elle savait faire cela, Éléonore. Moi, je n’aurais pas pu, et je ne saurais jamais comme elle incarcérer le temps et maîtriser la durée. »

Toujours cette référence au temps dont on ne sait d'ailleurs pas s'il aide à faire la lumière sur l'énigmatique personnage. Mais pour tenter de démêler l'écheveau, Hubert Nyssen adjoint à Archibald les services d'autres personnages: Colette, sa compagne mais aussi Karin, sa demi-sœur – qui a, dans sa chambre, un livre souvent cité par l'écrivain-éditeur: Paulina 1880 de Pierre Jean-Jouve -, cette Karin qui, un temps, s'en est allée de par le monde « pour apprendre à frissonner, um das Fürchten zu lesen » - une citation de Grimm que l'on retrouve souvent -.

En date du 21 avril 2009, Hubert Nyssen parle d'une certaine Madeleine qui « voyage sans cesse, au dehors, au dedans », un concept développé ici-même. Il me semble que si Éléonore est obscure pour ses enfants, c'est parce qu'elle l'est aussi pour elle-même. Et Colette, la compagne d'Archibald, qui va devenir la secrétaire d'Éléonore ne réussira pas, elle non plus à percer le mystère. Cette femme est un point d'interrogation. Un point d'interrogation que je comprends comme la démarche d'un écrivain cherchant à s'interroger plutôt que prétendre apporter des réponses.

« Éléonore n’avait désormais d’autre nation que l’écriture. »

Et c'est parce qu'Éléonore est aussi une voyageuse infatigable, au dehors comme au dedans que la quête de vérité d'Archibald est vaine. Formidable brouilleur de pistes qu'est Hubert Nyssen lorsqu'il emmène le narrateur de l'autre côté de l'Atlantique, à Montréal. Archibald « remplace » sa mère qui a finalement décliné l'invitation qui lui a été faite de parler de son dernier livre. Le narrateur décide alors de prétendre publiquement que sa mère n'existe pas. Et si c'était vrai ? Et si la mère telle qu'il la conçoit n'était qu'une fiction ? Il est alors interpellé par une vieille dame qui dit avoir connu son « père », Joachim Debus. Cette femme s’appelle Eva Kievski, elle a les mêmes initiales qu’Éléonore Korab !

« Je me trouvais alors, avec Éléonore, entre deux murs de miroir où les silhouettes se multiplient à l’infini. »

Multiplicité de l'être qui oblige à prendre la citation prêtée à Goethe avec prudence: « Deviens celui que tu es ». Oui, à condition d'avoir une réponse précise sur ce qu'est notre propre identité. Une identité que le temps – encore lui – viendrait façonner à coups de questions.

Dès lors, Éléonore, figure centrale dans « Le bonheur de l'imposture » ne provoquerait plus la colère. Elle ne serait plus une figure provocatrice, dans une posture stérile.

Mais en quête d'elle-même, tout simplement. C'est du moins comme cela que je comprends ce livre.


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LES COMMENTAIRES (1)

Par Patricia
posté le 15 août à 17:10
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Bonjour, Pindare est l'auteur de la citation "Deviens ce que tu es". A ce propos, écouter (de nouveau) l'émission de Michel Onfray, philosophe, sur France Culture de ce vendredi 14 août 2009, 19h30 piles. Bonne écoute.

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