le XXX de France : diviser pour mieux régner. (Correspondance spéciale)

Publié le 13 septembre 2007 par Pierre Salviac

On pensait que les tâtonnements de Bernard Laporte cesseraient avec le premier match de Coupe du Monde. Qu’après les essais jamais transformés de toutes les compositions d’équipe possibles et imaginables, il en sortirait des évidences, des certitudes. Mais il n’en ai rien. Et c’est exactement l’inverse qui se produit.

12 changements dans le 15 de départ. Ce sera sans doute un record difficile à battre pour ce mondial. Même Graham Henry n’aurait jamais imaginé un tel turn-over dans ses troupes pour affronter le Portugal. Faire tourner l’effectif comme justification ? Personne n’est dupe, pas même les joueurs. Car pour Bernard Laporte, un échec collectif est avant tout une somme de défaillances individuelles. Son remède donc ? Cela va de soi, supprimer les éléments défaillants quelques jours après les avoir fusillés un par un lors de la séance vidéo d’après match. Puis titulariser les fusillés du match précédents, en leur suggérant qu’ils ont une dette, qu’il est prêt à effacer, moyennant une performance - individuelle toujours - de haute volée. Il construit son XV par élimination. Darwin, Nietzsche n’auraient pas fait autrement. La sélection naturelle.

Appliqué au XV de France, cela ressemble plutôt à un jeu de massacre permanent, une entreprise de destabilisation, la remise en cause de la place de chacun, jusqu’aux capitaines. Une équipe hyper-encadrée sans cadre possible. Sur le terrain, des joueurs sans repères, tentant de s’adapter au jeu de son nouveau partenaire de ligne, à son nouveau poste, à la seule stratégie du jour, aux critères d’excellence Laportiens (nombre de plaquages, fautes), puis à l’équipe adverse (pas celle de la vidéo, celle qui est sur le terrain).

Conséquence funeste : l’aspect collectif du jeu à XV s’efface. Et le XV de France est, entre temps, devenu le 1+1+1+1+1+1+1+1+1+1+1+1+1+1+1 de France. Des pions interchangeables.

Idéaliser le 30, c’est oublier qu’une équipe nait sur le pré et pas sur le papier. C’est imposer la docilité et l’adaptabilité à chaque joueur tout en le privant d’un potentiel d’initiative. C’est déplacer le cerveau du jeu dans la tribune présidentielle.

Signé : Popeye.