Crises économique, financière, du sens, les marques sont elles aussi prises « dans la tourmente » !
Crédits photo : Mr Walker
La crise économique et financière actuelle plonge ses racines bien avant septembre 2008 et la faillite de Lehman Brothers. Avec le recul, on observe que le décrochement dans l’opinion se situe dès mi-2007 et que sa traduction dans les comportements de consommation, s’est opérée dès 2008. Sur le plan sociétal, cette crise économique et financière se double d’une crise de confiance et du sens, avec une défiance vis-à-vis de toutes les formes d’autorité, des institutions, de tout « ce qui vient du haut »… Sur tous ces plans, nous atteignons des niveaux de pessimisme rarement atteints, avec en contrepoint la recherche de points de repère, de retour à des valeurs structurantes. Altruisme, respect d’autrui, sens du collectif et de la famille que nos concitoyens souhaitent opposer à la course à la performance et au profit, aux impasses de l’hyper individualisme.
Dans ce contexte, les marques ne sont pas épargnées. Si le consommateur évolue, change sous l’impact des crises qu’il traverse, le regard qu’il porte sur elles se transforme, s’aiguise, ses exigences s’affûtent.
Avec en toile de fond, une culture économique, financière, marketing qui ont singulièrement progressé, le consommateur opère lui-même un décryptage plus fin, mais aussi plus critique des stratégies marketing et commerciales des marques, comme de leur discours, « corporate » (sur elles-mêmes) ou commercial (sur leurs offres…). Si 89% des Français estiment que les marques font de plus en plus d’efforts pour les convaincre, 69% estiment aussi qu’elles essaient de les berner. Conséquence logique, 69% croient de moins en moins ce qu’elles racontent… (cf. illustration ci-dessous).
Il est aussi plus sûr de sa valeur et de son pouvoir vis-à-vis d’elles : sur leur image, mais aussi sur leurs ventes. Et Internet n’a rien arrangé ! 69% estiment être de plus en plus capables de décrypter ce que disent les marques et 54% avoir de plus en plus de moyens de dire ce qu’ils pensent d’elles. La « toile » constitue - on le sait - un moyen d’action puissant pour s’informer, se faire son opinion, déjouer, contester et dans certains cas, attaquer… (cf. illustration ci-dessus).
De manière générale, le consommateur revendique une attitude plus active, affirmant volontiers sa compétence dans le processus de décision et lors du choix final. Schématiquement, il appréhende ce qu’on lui propose selon 3 principaux registres qui dépassant le prix constituent la valeur : utilité (valeur pratique), prix (valeur économique), sens véhiculé (valeur symbolique). Les marques sont évaluées sur ces même registres, en même temps que l’on jauge leur crédibilité, leur fiabilité, leur pérennité…
Entre « signaux faibles », accélération de tendances et cristallisation sous l’effet de la crise, l’émergence d’un nouveau paradigme de consommation
D’un point de vue global, pour la 1ère fois depuis longtemps, la consommation baisse en volume. La crise que nous traversons actuellement accentue, voire accélère des tendances le plus souvent préexistantes ou en germe. Quatre grandes postures, non exclusives, se dégagent aujourd’hui, avec lesquelles le consommateur peut jongler, endossant l’une ou l’autre selon les segments de consommation, les circonstances et son humeur !
ECO Consommateur : très logiquement, le comportement le plus répandu consiste à être plus vigilant sur les prix. Notre consommateur recherchera de plus en plus les premiers prix (cf. progression des marques de distributeur ou MDD), comparera les offres. Internet lui fournit un formidable facilitateur, lui donnant accès sans se déplacer aux rayons et linéaires de presque l’ensemble de la planète, permettant l’échange de tuyaux et « combines », le partage d’expérience, l’évaluation critique des produits et marchandises via les forums de consommateurs… Moins répandue et le plus souvent circonscrite à certains segments, la négociation gagne du terrain. Il ne s’agit pas de rechercher systématiquement le plus bas prix, mais plutôt ce que l’on estime être le « juste prix », ce fameux « bon » rapport qualité/prix.
ETHO et ECOLO Consommateur : dans un monde très changeant ou les repères sont chahutés ou balayés, le consommateur va chercher à (re) mettre du sens dans son achat, pour lui-même (en se faisant du bien avec le bio) ou pour les autres (à travers le développement du commerce équitable).
HEDO (ou EGO) Consommateur : ces postures et ces stratégies n’évacuent pas pour autant et bien heureusement la dimension « plaisir ». Celui-ci peut être plus sélectif, pour ne pas dire dans certains cas, plus rationnel. Notre consommateur pourra ainsi arbitrer, en limitant ses dépenses sur les produits peu investis psychologiquement ou affectivement pour libérer du pouvoir d’achat sur des produits « plaisir ».
Sur toutes ces postures, notons que la crise a déjà amplifié de 10 à 30 points des comportements existants. Au-delà de la rationalité économique et financière, par cette mutation accélérée de ses comportements, le consommateur ne s’offre-t-il pas un contrepoint à la crise, en reprenant prise sur les choses, en agissant ? Charge aux marques de clarifier leur positionnement face à ces différentes postures et stratégies d’achat, la plupart d’entre elles jouant des partitions « à plusieurs voies »…
Nouveau paradigme de consommation… L’attente d’une relation plus respectueuse, plus « intelligente »
Impact et enjeux renforcés du point de vente dans la relation…
Dans ce contexte de dé consommation, avec un consommateur de plus en plus difficile à saisir et à séduire, le point de vente retrouve à l’heure de l’hyper Internet un rôle privilégié. Face au « trop vaste » monde du choix et à la solitude de la « toile », celui-ci redevient potentiellement le lieu de l’accompagnement et du conseil. Son rôle sera d’autant plus important pour les produits ou services à moindre périodicité d’achat ou auprès des profils les plus internautes. Le passage en magasin sera un « moment de vérité » à soigner tout particulièrement.
Ceci ne remet pas pour autant en cause l’apport et le rôle d’Internet, notamment auprès des plus jeunes. La « toile » garde son rôle d’information, d’aide à la décision, d’échange, de reprise du pouvoir par le consommateur face à une relation avec les marques qu’il juge parfois trop commerciale.
Au niveau des discours, une exigence renforcée de respect et d’éléments concrets
Conscient de son pouvoir et volontiers critique, le « nouveau consommateur » revendique une relation plus équilibrée avec les marques, fondée sur un plus grand respect. Il attend d’elles un discours plus exigeant, plus transparent et parlant (un peu) plus à son intelligence, le valorisant dans ce qu’il peut avoir d’avisé. Si 56% des Français ont le sentiment que les marques s’adressent à eux comme à un adulte, plus de 4 sur 10 (43%) se sentent plutôt traités comme des enfants. Et 44% (seulement) ont le sentiment qu’on leur parle comme à quelqu’un d’intelligent ! Des chiffres qui laissent rêveur…
Concrètement, dans un univers dont on a dit la déstabilisation et la recherche de repères, les marques devront donner des gages et des éléments de réassurance sur la qualité, la solidité, la fiabilité de ses produits ou services…
En termes d’information, cela se traduit par la recherche d’éléments de preuve concrets, tangibles, qui seront d’autant mieux accueillis qu’ils répondent à des besoins réels. Autrement dit, les marques doivent savoir écouter et tenir leur promesse !
Ce qui n’exclut bien sûr ni le rêve ni la créativité !
Auteur : Frédéric CHASSAGNE, Directeur Conseil / Planning Stratégique TNS Sofres
Source :Marketing-Professionnel.fr
Publié par : Nicolas Marronnier
Publié sur : le vide poches / expression