La morale représente ce que je m'autorise de faire ou de ne pas faire selon les valeurs qui sont les miennes et non pas en fonction de ce qui m'est permis par le droit et les conventions. La morale ne consiste pas à agir par prudence eu égard la punition sous-entendue si je ne respecte pas ce qui est communément et légalement admis. La morale est en soi une donnée subjective qui concourt à l'objectivité car chacun agit selon sa propre morale et la somme de ces actions constitue la vie en société. La morale n'est pas non plus une règle écrite, contrairement à la loi. Le droit repose sur la définition de principes à respecter, lesquels sont hiérarchisés pour déterminer les sanctions à infliger à ceux qui y contreviennent. Les valeurs à contrario ne peuvent être échelonnées.
La morale ne saurait pas non plus se passer de la politique et inversement. La morale s'exprime par le caractère désintéressé des actes accomplis. Elle est toute entière tournée vers l'autre, bien que celui-ci soit tout aussi égoïste que moi. Je ne peux donc être désintéressé qu'à condition de disposer d'un espace d'expression qui me le permette, donc de jouir d'une liberté d'action. En cela la politique est le terrain de conciliation des intérêts égoïstes de l'ensemble des individus qui se placent sous son autorité. La politique est un pacte de solidarité en réunissant des aspirations divergentes pour qu'en commun elles aient une chance de se réaliser, dans la limite des concessions que tous auront accepté. Sans politique, la générosité par exemple, qui est la forme la plus aboutie en matière de morale car elle est représentée par un don sans qu'aucune contrepartie n'en soit attendue, pourrait ne pas être interprétée comme tel. Non contenue en effet dans un système réglementé, la donation à l'un pourrait être faite au détriment de l'autre. En outre, comment être généreux dans un monde où l'égoïsme ne serait pas contraint car l'individu, au stade actuel de l'évolution de l'homme, n'est pas capable de s'auto-suffire dans ses relations avec les autres.
La politique est ainsi une condition nécessaire pour l'expression de la morale mais pas suffisante. La morale quant à elle n'est pas constitutive d'une politique compte tenu de sa dimension subjective. Les deux doivent cependant coexister et s'affronter pour contribuer ensemble à la création et au développement d'une société juste, inscrite dans le respect de l'individu tout en sachant affirmer la volonté générale. Il est donc amoral d'annoncer ou de souhaiter la fin du politique, tout comme désirer la perte de ceux qui la pratiquent. Ce qui signifie également que les politiciens ont une responsabilité très lourde que seul l'exercice du pouvoir ne saurait motiver.