Mes Chers Compatriotes,
Avez-vous vu Nicolas au Salon de l'Élevage en Bretagne ? Mi-na-ble ! Il a gratouillé une vache qu'on avait visiblement abrutie de calmants, la main hésitante, le costard en retrait pour ne pas se salir. Aucune communication inter-espèces. On l'a d'ailleurs bien vu : le pauvre bovidé (mais non ! pas Nicolas !) avait l'œil hagard, la queue battante (c'est comme ça qu'on le différenciait de Nicolas) et les oreilles en arrière (contrairement à Nicolas). Que voulez-vous ! Flatteur de vaches c'est un métier. Des années de pratique pour faire frémir d'extase une Française-frisonne-pie-noire aux pis gonflés par le lait qui nourrira ces chères têtes blondes dans les écoles de la République une et indivisible. Et la Charolaise ! Combien en a t'elle renvoyés - meurtris (râlants, brisés, livides, et morts plus qu'à moitié. Et qui disaient : A boire! à boire par pitié) - de ces amateurs de comices agricoles qui l'avaient approchée sans parler sa langue (baveuse par ailleurs).
En tant qu'ancien élu de la Corrèze et souteneur du Salon de l'Agriculture, je voudrais attirer votre attention sur un drame de notre société : la Paysannerie française se meurt ! Nous nous préparons une génération d'industriels des déserts ruraux qui ne se pencheront plus sur la glèbe quand l'air conditionné de leur tracteur sera en panne.
Avez-vous remarqué qu'on ne parle même plus d'exode rural ? Ils sont tous déjà partis ! Bientôt, pour aller à la campagne, il faudra un ausweiss vous autorisant à visiter les unités intégrées de production nutritive. Si vous voulez aller aux champignons, vous n'aurez même plus à courir le risque de prendre un coup de fourche ou une cartouche de gros sel, on vous dressera un procès-verbal de contravention de catégorie 16B, modifié EuroKC27N, pour violation de la directive européenne afférente à la courbure moyenne du brin d'herbe subventionné.
Et pourtant ! Souvenez-vous des années 1968-75, quel était le nec plus ultra des salons parisiens écolo-concernés ? Le retour à la Terre ! Gardarem lo Larzac dans une apothéose de pulovaires tricotés main et de fromage de chèvre. Le paysan français était le héros et le héraut des thèses verdoyantes. Ah ! il a inondé plus d'un Petit Bateau parisien, le rude travailleur qui moissonnait jusque dans nos campagnes, penché sur le sol nourricier, à transpirer des lanternes vénitiennes pour rentrer le foin avant la pluie. La mode était au dialogue Nord-Sud (Paris - St Georges l'Agricol) sur les marchés avec ce damné de la terre qui vend de la serge dans son pantalon de coutil et son marcel bleu. Il sentait bon le râble chaud, la Boyard maïs et le vin rouge, l'ancêtre de José Bové.
Malheureusement, la réaction des ruraux à cette pesante sollicitude bobologique a été plutôt du type coup-de-fourche que soutien électoral, et les écologistes - Verts de rage de tant d'ingratitude - sont désormais plus préoccupés de la préservation de leur siège de Député Européen (si, si, il en reste de cette couleur) que des missiles du perfide plateau d'Albion. Aux yeux des faucheurs d'OGM, la paysannerie française n'est plus qu'un quarteron de pollueurs-chasseurs qui roulent en 4x4 pour aller manifester contre les ours des Pyrénées. Après le retour à la terre c'est le retour à l'éther des masses populaires rurales. Remplaçons vite ça par des ouvriers qualifiés qui seront acheminés en Vélib' sur les lieux de production ! De toutes façon, les Verts de rage n'ont plus besoin des ploucs ruraux, ils ont kidnappé des ours slovènes (qui ne leur rient pas au nez - eux au moins, car le slovène est peu jovial lorsqu'exilé) et inventé le réchauffement global (ce qui fait marrer tous les scientifiques un peu sérieux).
En attendant, dans nos vertes campagnes, ce n'est plus Noël tous les jours, ma Mère... on a les écologistes qu'on mérite.
Bien à vous,
Jacques