Le bien commun (10) - La théologie et la fin ultime de l'homme

Publié le 28 avril 2009 par Hermas

CHAPITRE II – L’ETRE ET LA FIN DE L’HOMME, FONDEMENTS DE LA CONCEPTION THOMISTE DU BIEN COMMUN (suite)

2. Principes téléologiques (suite)


B.- Ce qu'ajoute la théologie : la vision intuitive de Dieu, par un amour de charité surnaturelle, est la fin ultime de l'homme

La théologie approuve ce jugement de la philosophie. Elle le complète, cependant, par de nouvelles lumières et de nouveaux éléments.

Comme fils de Dieu et frère du Christ, l'homme est destiné à une béatitude supérieure, surnaturelle, qui consiste en la vision intuitive de Dieu, et en un amour correspondant de charité consommée et transformante. Une connaissance et un amour infiniment supérieurs à ceux que peuvent avoir naturellement l'homme, l'ange ou quelque créature imaginable que ce soit, si haute et si élevée soit-elle, et qu'aucune puisse seulement entrevoir ou soupçonner : « Ce que l'œil n'a pas vu, ce que l'oreille n'a pas entendu, ce qui n'est pas monté au cœur de l'homme, tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment » (1 Cor. 2,9).

Le désir et l'effort naturels de notre âme et de notre esprit sont assumés et sublimés dans le désir et l'élan surnaturels que donne la grâce, principalement dans l'état actuel de la nature déchue et blessée de l'homme, lequel a besoin de la grâce à un double titre, en tant qu'elle guérit, et en tant qu'elle élève (1). En cet état actuel, ces capacités, ces aspirations, ces attentes, ces désirs, ces efforts sont très supérieurs à ceux que connaîtrait l'homme dans un état de pure nature. Les difficultés de l'homme et son besoin du secours de la divine grâce sont redoublés à cause du péché originel, que chacun contracte, et des péchés personnels, que nous commettons tous à des degrés divers.

Le bonheur suprême n'est pas de cette vie, mais de la vie future, en laquelle notre corps ressuscitera et se revêtira d'immortalité, pour que tout l'homme jouisse de Dieu (1 Cor. 15, 53-54).

Le sens profond, la raison d'être ultime de la vie présente, individuelle ou sociale, est d'être une aspiration, une attente, une préparation au bonheur éternel et surnaturel. La théologie nous donne le nom de viateurs. Elle nous décrit comme des pèlerins qui marchent et s'acheminent vers la vie éternelle en Dieu : « Nous n'avons pas ici-bas de cité permanente, mais nous recherchons celle de l'avenir » (Héb. 13,14). Tout doit être ordonné à cette fin et doit être considéré comme un moyen d'y parvenir.

L'Eglise a exprimé magnifiquement cette vérité dans la collecte (2) du premier dimanche après l'octave de la Trinité (3) : « Oh, Dieu, protecteur de ceux qui espèrent en toi, sans lequel rien ne vaut et nulle chose n'est sainte ! Multiplie sur nous ta miséricorde, afin que, gouvernés et conduits par toi, nous passions au milieu des biens du temps présent sans perdre ceux de l'éternité ».

Pie XI l'a condensée dans cette synthèse : « Selon la doctrine chrétienne, l'homme, naturellement social, a été placé en ce monde pour que, vivant en société et sous une autorité dérivée de Dieu, il cultive et développe toutes ses facultés à la louange et à la gloire de son créateur ; et ainsi, remplissant fidèlement les devoirs de sa profession ou de sa vocation, il acquière le bonheur temporel et mérite la béatitude éternelle (4) ».

Tels sont les matériaux, telles sont les pierres dont se compose la société politique chrétienne.

Une politique digne de ce nom, principalement s'il s'agit d'une politique chrétienne, doit tenir compte de ces vérités et les respecter scrupuleusement. Elle ne doit permettre ni qu'elles soient mises de côté, ni surtout qu'elles soient piétinées.

Traduction Hermas.info ©
_______________
Notes et commentaires
(1) Cf. 1, q. 62, a. 2 ad 2 : « On appelle difficile, pour un être, ce qui dépasse sa puissance. Mais cela peut s'entendre de deux façons. En un premier sens, l'entreprise à tenter dépasse les forces naturelles de la puissance. Dans ce cas, si celle-ci peut être aidée de quelque façon, on dit que l'entreprise est difficile; s'il n'y a aucun secours possible, on dit que l'entreprise est impossible. C'est ainsi qu'il est impossible à l'homme de voler. Au second sens, la difficulté ne vient pas de na nature même de la puissance, mais d'un empêchement qui lui est adjoint. Ainsi l'ascension n'est pas contraire à la nature de la puissance motrice  de l'âme, puisque l'âme, pour autant qu'il est en elle, est capable de mouvoir le corps en quelque direction que ce soit. Mais la lourdeur du corps est un obstacle à l'ascension, et de là vient qu'il est difficile à l'homme de s'élever. Or il est difficile à l'homme de se tourner vers la béatitude suprême, d'abord parce qu'elle surpasse sa nature, et ensuite parce qu'il trouve un obstacle dans la corruption du corps et la viciation du péché (...) ».

(2) NdT : Voici la définition de ce terme donnée sur le site de l'Eglise catholique de France : « du latin colligere, rassembler. Première des trois oraisons de la messe. Le prêtre invite les fidèles à prier, en silence, pendant quelques instants, pour exprimer intérieurement leurs intentions. Cette oraison est appelée collecte parce qu’elle se dit au nom de tous les fidèles réunis et de la communauté chrétienne. L’assemblée répond par l’«Amen» qui est l’acte de consentement du peuple à l’œuvre de Dieu et d’adhésion aux prières du célébrant ».


(3) NdT : le P. Ramirez donne évidemment ici la formule contenue dans ce qu'il est aujourd'hui convenu d'appeler la forme extraordinaire du rite romain. La fête correspond au troisième dimanche après la Pentecôte.

(4) Encycl. Quadragesimo anno, 15 mai 1931, AAS 23 [1931], p. 216.