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Vers des relocalisations ?

Par Philippe Chouraqui

Je vais être d’une originalité boulversante et certainement vous apprendre un scoop : depuis maintenant de nombreuses années, les entreprises délocalisent leurs productions, voire leurs services, à l’étranger. Si, si, je vous assure qu’elles le font en masse, dans des pays qui changent selon les avantages fiscaux, la savoir-faire et les salaires de la main d’oeuvre. L’objectif est simple, réduire les coûts au maximum pour faire face à la concurrence tout en conservant de fortes marges, toujours très intéressant pour le cours de nos actions.

Le souci, c’est que tout le monde cherche à compresser les coûts, y compris les fabricants délocalisés. Je vous passe sur les produits défaillants, fabriqués avec des substances toxiques (Fisher Price a fait d’énormes économies, mais il va falloir dépenser de grosses sommes pour réparer le déficit d’image), et autres déconvenus de la sorte. Un autre point va peut-être ramener nos usines en France : le secret industriel, l’avantage concurrentiel. 

Car la main d’oeuvre chinoise à bas prix n’explique pas, à elle seule, les coûts de fabrication si attractifs. Si l’on prend l’exemple des vélos, les mêmes usines travaillent pour toutes les marques de vélos, avec les mêmes matériaux. C’est cette mutualisation des moyens qui permet de baisser drastiquement les coûts de fabrication. Mais les revers de la médaille sont nombreux, et pénalisant pour les entreprises dynamiques et innovantes : les produits sont tous les mêmes, au même prix, et, plus grave, la concurrence est informée en temps réel des innovations technologiques, la protection des brevêts devenant quasiment impossible.

Par conséquent, il est possible que des entreprises, à l’image de Décathlon sur Lille, ramènent leurs unités de production en France, acceptant le risque de devoir faire payer un peu plus cher le produit au client, mais s’assurant le secret de leurs procédés de fabrication. Les secrets sont mieux conservés et la différenciation des produits nettement plus visible, autant de valeurs ajoutées capitales pour une entreprise. Dans le cas de Décathlon et de la suprématie de ses vélos b’Twin, l’augmentation de prix due au retour en France pourrait être de 5€, sur un prix moyen de 289€.

Dérisoire, certes, mais, nous, consommateurs, avons maintenant étalonné notre sens des valeurs marchande des produits en fonction de ces fameux coûts de fabrication chinois. A tel point, que dans le souk de Fès, je marchandais bien plus que les dernières fois où je suis allé au Maroc parce que mon esprit était déformé par une estimation des coûts de fabrication très bas. Je vous rassure, les marchands chez qui j’ai acheté des produits n’ont pas été malheureux de mes achats.

Tout ceci pour vous dire que les entreprises qui décident d’investir beaucoup dans la Recherche et Développement pour se différencier devraient certainement considérer avec attention un retour en France (ou en Europe), pour bénéficier de l’avantage que leur procure leurs innovations, au lieu d’être aveugler par la réduction des coûts de fabrication au point de faire bénéficier toute la concurrence de leurs recherches. A nous aussi consommateurs, d’avoir l’intelligence d’accepter de payer plus cher un produit issu d’un travail différent de la simple copie.


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