Quand on se penche sur l’émergence de l’industrie IT marocaine, on ne peut que constater certains progrès. Depuis 2007, le pays est d’ailleurs entré dans les destinations crédibles pour l’offshore (IT et BPO) selon le classement d’AT Kierney. Ceci ne veut pas dire que la partie soit gagnée, loin de là.
- Zones offshore : confirmer le bon départ
Malgré un retard à l’allumage, les zones offshore sont aujourd’hui une réalité, au moins pour les deux principales (Casanearshore et Rabat Technopolis). Un départ qu’il va falloir confirmer, d’abord en livrant les autres tranches des deux projets et en assurant leur démarrage. Ceci vaut notamment pour la zone de Rabat qui, en plus d’accueillir une zone dédiée à l’offshoring (zone déjà en partie sortie de terre), doit devenir un “cluster” technologique hébergeant un incubateur et une université internationale (voir le plan ci-dessous).
Le projet Rabat Technopolis, avant tout un "cluster" technologique.
Au-delà même de la réalisation de cet ambitieux projet, MedZ, la société filiale de la CDG - équivalent marocain de la Caisse des dépôts - qui gère les zones offshore, devra aussi faire la preuve de sa capacité à accompagner la montée en puissance des zones, en termes d’infrastructures et de maintenance des aménagements déjà sortis de terre. Sans oublier de gommer les points noirs comme l’insuffisance des transports desservant des zones très excentrées des centres villes.
- La difficulté à appréhender le marché
Plusieurs Français installés sur place m’ont fait part d’une même difficulté : ce n’est pas parce le Maroc affiche une proximité culturelle avec la France qu’il est facile d’y faire des affaires. Comme l’explique par exemple Isabelle Reydet-Rousselet, de CMC2, une société de conseil et de communication installée à Casablanca, il est parfois difficile pour un Français arrivé au Maroc d’appréhender le marché local. “Il faut rester prudent face aux discours de façade. On peut avoir l’impression que le marché est là, sans pour autant que rien ne se signe à la fin”, explique-t-elle. D’ailleurs, tant Steria, via une co-entreprise avec le groupe marocain FinanceCom, que GFI, via un management bien implanté dans la vie locale, ont d’emblée cherché à s’appuyer sur des relais locaux.
- RH : la grande incertitude
Un institut spécialisé dans les certifications Cisco et Microsoft à Casablanca.
Le Maroc dispose d’une grande force : la jeunesse de sa population. Et, selon de nombreux témoignages, souffre d’une faiblesse : un système éducatif qui laisse à désirer. Les dirigeants de call center regrettent notamment un système qui privilégie l’arabe jusqu’au lycée avant de basculer au français, créant des profils ni tout à fait arabophones, ni tout à fait francophones. Ces entreprises doivent souvent accompagner les salariés qu’elles recrutent en les formant quelques mois pour les rendre opérationnels. La remarque vaut aussi pour les services informatiques, qui eux aussi mettent en place des modules de formation additionnels. Certes, avec l’aide de l’Etat marocain.
Autre difficulté : la pénurie sur certains profils, notamment sur les ingénieurs en informatique. Selon les officiels marocains - notamment le ministre de l’Industrie et des Nouvelles Technologies -, cette pénurie appartiendrait aujourd’hui au passé et serait due à une erreur de prévision : l’offshoring dans le pays a surtout décollé grâce à l’informatique, alors que le pays pensait que le demande concernerait avant tout l’externalisation de processus métier (BPO).
Pour réparer cette erreur d’aiguillage, le gouvernement a lancé ForShore 3000, programme visant à requalifier 3 000 personnes via un cycle de formation de 6 à 9 mois. Reste qu’entretemps, “les salaires ont flambé, du fait de l’arrivée des SSII étrangères”, raconte Amine Zniber, directeur du campus de Casablanca de Supinfo. Selon plusieurs témoignages, un technicien débutant touche quelque 400 euros par mois, mais un ingénieur monte à 1 000, voire 1 200 euros. Enfin, le Maroc souffre d’un manque de compétences expérimentées, notamment dans la gestion de projet. Manifestement, les appels du pied du gouvernement pour faire rentrer les MRE (Marocains résidant à l’étranger) ne suffisent pas, même si ces derniers jouent incontestablement un rôle dans la structuration de l’industrie.
Une école privée à Casablanca.
- Des formations peu lisibles
La multiplication des formations, des instituts, des écoles (voir la photo ) imprime inévitablement la rétine de tout occidental se déplaçant des les centres économiques du royaume. Reste une question : que se cache-t-il derrière toutes ces formations ? Comme me le faisait remarquer Amine Zniber, il n’existe pas d’accréditation des titres remis par les écoles supérieures, contrairement à ce qui existe au niveau des écoles professionnelles (niveau Bac+2). Attention donc aux dérives “business” que peut laisser s’installer ce système, même si, selon Amine Zniber, une commission travaillerait sur ce sujet, ce qui devrait déboucher sur des accréditations dès l’année prochaine.
Lire mes précédents billets sur le développement de l’offshore au Maroc :
- Bilan d’une semaine au coeur de l’IT au Maroc : les atouts du pays
- Décollage de l’offshore marocain : la bonne fenêtre de lancement ?
- Données personnelles : le Maroc veut s’aligner sur les normes de l’Europe
- Le Maroc sent venir la crise et compte sur l’offshore
- Le Maroc et l’offshore : premiers contacts
- Casanearshore, la vitrine de l’offshore à la marocaine
Références externes
- reference #1
../2009/04/23/decollage-de-loffshore-marocain-la-bonne-fenetre-de-lancement/ - reference #2
../2009/04/22/donnees-personnelles-le-maroc-veut-saligner-sur-les-normes-de-leurope/ - reference #3
../2009/04/27/2009/04/22/2009/04/21/le-maroc-sent-venir-le-crise-et-compte-sur-loffshore/ - reference #4
../2009/04/27/2009/04/22/2009/04/20/le-maroc-de-loffshore-premiers-contacts/ - reference #5
../2009/04/27/category/jour-homme/