Les 118 pays membres du Mouvement des Non-Alignés (dont la Birmanie, le Zimbabwe, la Biélorussie ou encore quelques émirats) sont réunis depuis hier à La Havane (home, bitter-sweet home) sous présidence cubaine afin de préparer leur prochain grand sommet qui se déroulera cet été en Egypte et de pondre une déclaration commune qui portera sur l’immigration, le terrorisme, le trafic de drogue, l’environnement ou encore le désarmement.
Moi je dis:
C’est beau.
Je dis même:
C’est émouvant.
Toutes ces nations qui, au nom d’une indépendance bien légitime et d’un refus admirable du manichéisme ambiant, n’ont jamais accepté (je cite) "de s’aligner pour ou contre une quelconque grande puissance mondiale" pendant la Guerre Froide, et ont toujours gardé, en toutes circonstances, une objectivité politique et socio-économique sans failles, c’est quelque chose de prodigieux (surtout de la part de Cuba, qui comme chacun sait n’a jamais été inféodé à l’URSS).
D’autant que quand tu regardes la liste des pays membres d’un peu plus près, tu te dis qu’en effet, les Bolcheviques égorgeurs d’enfants et les impérialistes Yankees ont de quoi faire profil bas et la mettre sérieusement en veilleuse face à cet exceptionnel agrégat de vraies démocraties, toutes plus respectueuses des Droits de l’Homme les unes que les autres, et qui, pour leur part, n’ont jamais (au grand jamais) eu le culot d’intervenir sournoisement dans les affaires d’autrui afin de promouvoir cyniquement leurs propres intérêts (contrairement aux Russkoffs qui envahirent un jour l’Afghanistan, ou aux Ricains qui dézinguèrent lâchement Salvador Allende).
Gageons que ces phares de liberté (dans un monde de brutes néo-colonialistes et racistes qui font rien qu’à opprimer leurs voisins sans défense) sauront rédiger, au terme de leur petite escapade cubaine (rappelons que Cuba est l’une des dernières vraies démocraties de la planète), un texte fort et symbolique, qui aura valeur d’exemple pour tous les amoureux de la justice et de la liberté qui, keffieh autour du cou et tee-shirt à l’effigie de Che Guevara sur leur torse gonflé de fierté, proclament régulièrement (entre deux petites sauteries à Durban) leur attachement aux idées progressistes de Mahmoud Ahmadinejad, de Fidel Castro ou de Robert Mugabe, de vrais démocrates que l’on peut sans crainte comparer aux plus grands (Mendès-France, Jaurès, Luther King ou Mandela peuvent aller se rhabiller).
Je prends les paris sur une intervention musclée de la Corée du Nord à propos de la nécessité impérieuse d’un désarmement global et rapide (Kim Jong il jettera d’ailleurs des roses sur le public en chantant "Give peace a chance" en duo avec Bachar El-Assad).
Je pense que le Pakistan et l’Arabie Saoudite condamneront, au nom de tous les membres du club, le recours au terrorisme comme moyen de pression et d’expression (je sais de source sûre que le roi Abdullah prépare un discours pas piqué des hanetons qui fera rougir de honte n’importe quel fou de Dieu ceinturé d’explosifs).
Je suis convaincue que l’Afghanistan fera adopter une motion spéciale accablant le trafic de drogue et ses conséquences planétaires ("Dites non à la drogue" sera le nouveau slogan d’Hamid Karzaï, qui décidera finalement de supprimer la loi autorisant le viol conjugal et d’inciter ses concitoyens à envoyer les petites filles à l’école).
La Lybie, elle, nous donnera des leçons d’humanisme sur la façon dont un état digne de ce nom se doit de traiter ses immigrés, clandestins ou non.
Quant à l’Inde, elle prendra la tête de la lutte contre la pollution industrielle et pour la protection de l’environnement et décidera séance tenante de fermer tous ses sites classés Seveso, pour tourner son économie vers la culture des pâquerettes et l’élevage d’écureuils biologiques.
Oui.
C’est sûr.