Samedi 25 avril, Laurent Ruquier avait invité, entre autres, à son émission On n’est pas couché, Jean-Marie Bigard et Francis Lalanne. Ce dernier venait promouvoir son dernier disque et un petit livre intitulé Mise en demeure à Monsieur le Président de la République. Il y développe l’idée que la V° République, créée autour d’un homme providentiel, a accentué ce caractère monarchique alors que maintenant les hommes d’une telle stature font défaut. Il demande donc à notre Président d’interroger les Français pour déterminer le régime qu’ils préfèrent, l’actuel, qualifié de vertical, ou un autre vraiment républicain.
Les deux chroniqueurs, Eric Zemmour et Eric Naulleau, sont présents, chargés d’accrocher les invités. A l’origine, avant sans doute que sa santé ne l’en empêche, c’est Michel Polac qui tenait la place d’Eric Naullau et la filiation de cette phase critique avec l’émission qu’il animait il y a quelques années, Droit de réponse, était ainsi plus nette. Francis Lalanne s’élève d’abord contre le choix de la voie parlementaire pour faire adopter le Traité de Lisbonne. Il conteste ensuite la validité de la révision constitutionnelle de juillet 2008. En effet, pour éviter une trop grande concentration de scrutins en 2007, en décembre 2005 une loi a prolongé d’une année le mandat des élus locaux, reportant leur élection en 2008. En conséquence, les élections sénatoriales ont également été décalées d’une année. Francis Lalanne considère la révision constitutionnelle comme invalide. Selon lui, un tiers des sénateurs se trouvaient sans légitimité puisque leurs électeurs ne leur avaient pas confié un mandat d’une telle durée. Eric Zemmour rétorqua, avec le sens de la nuance qui le caractérise « une phrase qu’aimait Chirac : là, on est en train d’enc... une mouche qui ne nous a rien demandé ». Je ne pense pas que l’argument de Lalanne soit recevable mais, par contre, je suis certain que s’interroger sur la constitutionnalité de telle ou telle mesure n’est pas sodomiser un diptère.
Les échanges ont pris ensuite un tour plus vif. Zemmour lançant à Lalanne : « c’est faux », celui-ci rétorqua, à juste titre, que son contradicteur n’avait pas le droit d’affirmer cela mais seulement de dire « je ne suis pas d’accord avec toi ». La parole vint ensuite à Naullau qui, avec la brutalité du critique qui s’imagine censeur, parla de niaiseries, de vers de mirliton. Si l’on n’en vint pas aux coups, ce fut grâce aux interventions conjuguées de Bigard et Ruquier, qui réussirent à tempérer un Lalanne prêt à exploser.
Cet épisode m’a conduit à m’interroger. Comment un animateur de télévision peut-il susciter l’intérêt ? Avec des échanges consensuels, du style j’imagine de ceux conduits à Vivement dimanche par Michel Drucker, où tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, ou bien en frôlant la bagarre, comme dans ce que je viens de rapporter ? Si la seconde mouture est préférable sans doute pour l’Audimat, elle ne contribue à éclairer une question que dans la mesure où chaque intervenant permet aux autres de s’exprimer sans tenter de couvrir leur voix par des vociférations. Mais elle ne nous écarte pas du sens originel de débat, issu du verbe débattre, dans lequel le préfixe dé est d’intensité. Il s’agit de battre fortement, dans une controverse ou une querelle. C’est le pluriel qui apaise ce mot débat, évoquant des discussions ou des délibérations, pourquoi pas parlementaires.