Délits d’Opinion : En décembre, 61 % des Français estimaient que le plan de relance annoncé par le chef de l’État va permettre d’amortir les effets de la crise économique en France. Pourtant, malgré ce soutien, une majorité estime qu’il n’aura que peu d’impact sur les effets de la crise : comprenez-vous ces doutes dans l’efficacité de l’action publique ?
Najat Vallaud-Belkacem : Non seulement je les comprends, mais je les partage, malheureusement. Le gouvernement, qui avait déjà commis beaucoup d’erreurs avant l’arrivée de la crise, n’a pas pris la mesure de la situation. Son plan de relance n’est pas à la hauteur des enjeux, ne serait-ce que par son manque d’adéquation, et de concertation avec les autres pays européens. Presque rien n’est fait pour soutenir la consommation des ménages dans un contexte d’augmentation massive du chômage, de récession aigüe et de ralentissement des salaires. Avec des mesures allant dans ce sens, nous aurions pu amortir le choc de la crise pour les salariés les plus en difficulté, et rétablir la confiance des entreprises plus rapidement. Par ailleurs, les grands investissements publics susceptibles de préparer l’avenir se font attendre, et seront faibles. Résultat, la France est à la traîne et nous serons les derniers à profiter de la reprise, le moment venu.
Délits d’Opinion : D’une façon assez similaire, une large partie de l’opinion se montrait également favorable aux propositions effectuées par Martine Aubry, mais doutaient également de leur impact : dans ce contexte où les Français se montrent visiblement enclins à tout ce qui ressemble à des mesures de relance mais doutent de leur efficacité, comment le Parti Socialiste peut-il se démarquer ?
Najat Vallaud-Belkacem : Le Parti Socialiste a eu raison de présenter tout de suite son contre-plan de relance économique sur des bases radicalement différentes de celles proposées par le gouvernement. Si une part des Français peut encore douter de notre capacité à prendre en main les affaires du pays, c’est sans doute moins en raison de telle ou telle proposition dans tel ou tel secteur, que de leur désir de voir émerger à gauche un projet global et cohérent pour le pays. C’est un travail un peu plus long, qui mérite d’être mené sans trop de précipitation, et c’est ce que nous faisons. Les Français savent que les socialistes sont justes et efficaces dans leurs villes et leurs régions ; ils verront, le moment venu, que nous pouvons l’être à l’échelle du pays tout entier. Il ne s’agit donc pas de nous démarquer, mais d’être nous-mêmes jusqu’au bout.
Délits d’Opinion : 63% de nos compatriotes pensent que le conflit actuel en Guadeloupe peut s’étendre en Métropole. Selon vous, une explosion sociale est-elle probable ?
Najat Vallaud-Belkacem : L’explosion sociale est déjà là, un peu partout dans le pays, dans les usines, dans le monde agricole, à l’hôpital, dans les universités… Personne ne souhaite qu’elle s’étende davantage et qu’elle prenne des formes plus violentes comme ce fut le cas, par exemple, dans les quartiers populaires en novembre 2005. Mais il faut bien comprendre que la révolte sociale, la révolte populaire est une chose parfois légitime lorsqu’un gouvernement ferme les yeux sur la réalité, et refuse le dialogue sur un mode démocratique et apaisé. Il est inacceptable de pousser les gens à bout, et de leur faire porter ensuite la responsabilité du désordre.
Délits d’Opinion : Vous êtes considérée comme une valeur montante à gauche, or actuellement Olivier Besancenot est considéré comme le meilleur opposant à Nicolas Sarkozy : quel est votre sentiment sur cet apparent manque de crédibilité du Parti Socialiste ?
Najat Vallaud-Belkacem : Je ne sais pas si je suis une « valeur montante », en tout cas que je crois que les valeurs qui sont les miennes depuis longtemps sont effectivement « à la hausse ». Par ailleurs, je ne crois pas qu’il soit pertinent de comparer la côté de popularité d’un élu du PS qui exerce des responsabilités avec Olivier Besancenot qui n’en a jamais exercé et qui ne le fera sans doute jamais. C’est avec des méthodes comme ça que Jacques Chirac se retrouve aujourd’hui au top des personnalités politiques préférées des Français.
Propos recueillis par Olivier