Ouais…
Quand les mécaniques narratives se répètent, qu’il y a comme de l’acharnement dans les sarcasmes il est peut-être temps de musarder ailleurs, du côté des courts par exemple.
Nous sommes en plein cœur de la saison de terre battue qui s’étend cette année du 06 avril au 07 juin.
On trouve bien, après cette date, quelques tournois sur ocre mais tellement mineurs qu’on peut considérer que c’est dans ces seuls deux petits mois que tient cette bizarre survivance d’un temps où le tennis se mouvait dans de surannées élégances fitzgéraldiennes.
Car la terre battue, ainsi que le gazon qui la suit immédiatement, sont bien les vestiges du tennis country club, rappel de ses grandes-bourgeoises origines, survivances désuètes qui donnent pour une bonne part leur sens à ce spectacle qui se fiche comme d’une guigne des justifications sociologiques et a toujours préféré consacrer l’aristocratie du talent et de la facilité.
Et c’est tout le problème quand on sait que cette terre orange qui fut pour beaucoup – diffusion télévisée de Roland Garros aidant - le lieu des premières amours tennistiques, est désormais la chasse gardée de ce que le sport peut produire de plus ennuyeux et déplaisant : les lifteurs hispaniques.
Domination écrasante, accablante même. Si on prend en compte les trois principaux tournois sur terre (Rome, Monte Carlo et, bien sûr, Roland Garros), sur ces dix dernières années, plus de 55% des finalistes étaient hispanophones (espagnols et argentins en grande majorité) pour plus de 70% de vainqueurs.
Un règne linguistique dont l’ampleur même écarte toute possibilité de hasard ; nous sommes ici devant le règne d’une école dont la souveraineté se mesure au fait qu’elle essaime désormais méchamment hors de ses frontières d’origines.
Et il n’est pas exagéré, je crois, de parler d’école tant elle est porteuse d’un style ou plutôt d’une discipline : austère, rigoureuse, uniforme et… déprimante.
Le lift roi : base unique et solution à tout, du service au revers ; l’application d’un plan de jeu qui pourrait presque être conduit par un pilote automatique tant l’idée même de variation ou de fantaisie semble en être exclue.
Le tennis de terre a maintenant beaucoup d’une guerre de tranchées où l’emportent les clones.
Viennent à l’esprit les pénibles heures de l’école suédoise, du temps de l’odieux Kent Carlsonn – ce type a sûrement fait plus de mal au tennis que ne l’auraient fait quinze affaires de dopage et trente de pots de vins, heureusement, sa nuisance fut courte…
Certes on peut se dire que Nadal, leur actuel chef de file, a dans sa besace quelques bonnes poignées de fulgurances ainsi que des qualités de concentration et de volonté irréelles, mais c’est un bien faible raccroc.
Dans mes jours de très méchante et irresponsable humeur, je me prendrais presque à espérer l’équivalent d’un Heysel tennistique pour hispanophones, car il aura fallu ce sommet de meurtrière crétinerie pour que cesse, un temps, l’outrageuse mainmise des clubs anglais sur la coupe des clubs champions (entre 1977 et 1985 : plus de 44% des finalistes pour près de 78% des victoires ; et oui ça ne date pas d’hier et l’arrêt Bosman a donc bon dos).
Poussée de bile bien peu glorieuse je le concède mais une finale Ferrer-Nadal, ça vous donne un tel sentiment de gâchis que la colère est toute proche de la tristesse et de l’ennui.
P.S. : Pour ceux qui aiment aussi le tennis sous ses aspects bistrotiers, les plus délicieux et pertinents des commentaires se trouvent sur Sport Vox sous la signature de Yoda.
Et, si l’actualité ne vous obsède pas, il vous faut - oui, c'est un commandement - lire les chroniques de Serge Daney, l’Amateur de tennis.