Je l'ai dit de manière allusive dans plusieurs billets depuis le second tour des élections législatives, je le dis à présent de manière claire, nette et précise : je me range parmi les premiers déçus du sarkozysme. Pour autant, je ne regrette toujours pas mes choix des 22 avril, 6 mai, 10 et 17 juin. Je rappelle à ceux qui m'assènent ici et là un "je vous l'avais bien dit" compassé que lors de la présidentielle, l'alternative à Nicolas Sarkozy s'appelait Ségolène Royal, et lors des législatives, celle à François Fillon s'appelait François Hollande !
Aucun regret donc, comme beaucoup de Français, j'ai voté pour les "moins pires". Ce qui ne signifie pas les meilleurs. On pourra me reprocher d'avoir été naïf. Je ne l'ai pourtant pas été, loin de là. J'ai toujours dit que Nicolas Sarkozy et l'UMP étaient pour moi des choix par défauts. J'aurais voulu un leader plus brillant, plus charismatique, plus polyglotte, plus cultivé, plus réfléchi, en un mot plus bonapartiste. Mais en vertu du principe selon lequel les grands hommes sont issus des grands peuples, je crois que le peuple français, vieux, usé et fatigué comme l'était son ancien président -dont on commence à mesurer l'ampleur du désastre- n'engendrera plus un homme de cette trempe. Faut-il, alors, compter sur l'Europe pour faire sortir de ses rangs celui -ou celle- qui saura sortir le Vieux Continent de son inéluctable déclin ? Si l'on entend par Europe les institutions qui sont censées en représenter la population, je crains une nouvelle déception à venir.
Pour avoir observé, dans le cadre de mes études, les rouages de l'Union européenne, j'ai pu constater que l'immobilisme français avait assurément son pendant européen. A cette différence près que ce dernier, en plus de l'arrogance qui caractérise le premier, démontre un dogmatisme et une prétention à la toute-puissance qui ne laissent rien présager de bon pour le futur de la construction européenne. Laquelle ne pourra pas régler les problèmes des nations qui l'animent et lui donnent son sens.
Il faut -j'allais écrire "et il suffit", mais ce n'est pas exact- que les Etats membres règlent leurs problèmes internes, qui sont très divers, même si l'on peut y déceler des défis communs, comme l'inertie démographique, l'échec de l'intégration, ou encore l'américanisation croissante des langues et des cultures d'Europe. La France n'est pas la seule nation européenne à aller mal. Faut-il s'en réjouir par pur chauvinisme -ou par délectation morose, dans laquelle nombre de nos compatriotes se complaisent- ou s'en inquiéter par crainte d'un déclin général de notre civilisation? Il y a en tout cas urgence, et les peuples européens ne feront pas l'économie de leur propre remise en question. Le peuple français en particulier, qui, avec Nicolas Sarkozy, n'a toujours pas trouvé l'homme de la situation. Je sais que je manque d'indulgence et de patience après seulement trois mois, mais lorsque je lis que le chef de l'Etat veut calmer le rythme des réformes pour gagner les municipales -scrutin mineur- l'an prochain, je vois la France retomber en plein dans les affres du chiraquisme : l'électoralisme au détriment de l'action politique.
Et pourtant, il va en falloir, de l'action, car comme l'a montré le quinquennat de Jacques Chirac, cinq ans, c'est court. Si Sarkozy compte également rester populaire pour gagner les européennes de 2009 et les régionales de 2010 afin de mieux préparer sa réélection en 2012, ses cinq ou dix ans à l'Elysée n'auront servi qu'à ajourner les réformes nécessaires, en rendant les électeurs encore plus défiants à l'égard de leurs représentants politiques. Sans compter que l'on risque, si le gouvernement échoue à réveiller la France de 26 ans de torpeur, de devoir subir un Parti socialiste qui refuse toujours de tirer les leçons de ses échecs à répétition.
J'espère me tromper en estimant, un peu hâtivement -mais toute intuition, même bonne, est hâtive- que Nicolas Sarkozy est condamné à l'échec, obsédé qu'il est par sa présence dans les médias, sa cote de popularité et les résultats à court terme.
Mais je ne vois rien, pour l'instant, qui pourrait me donner tort. La France au bois dormant attend toujours son Prince Charmant. 26 ans de coma, c'est déjà critique. 31, voire 36, cela pourrait bien être fatal.
Roman B.