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Mais-ou-et-donc Ségolène ?

Publié le 20 août 2007 par Roman Bernard
Cinq jours ont passé depuis le billet annonçant la mise au repos forcé de Criticus et déjà, le manque de blogging s'installe... l'occasion, en cette fin de vacances/début de rentrée, d'évoquer brièvement le cas Ségolène Royal.
Son ex-compagnon de premier secrétaire, jamais à court de critiques contre le gouvernement -on attend toujours ses propositions pour la France-, a effectué dès hier sa rentrée politique en fustigeant la politique de Nicolas Sarkozy, faite selon lui d'"effets d'annonce" et d'"incantations". La mauvaise foi du député de Corrèze devient difficilement soutenable lorsqu'il s'alarme de ce que les réformes fiscales votées au début de l'été risquent d'aggraver la dette publique, alors même que le gouvernement qu'il soutenait de 1997 à 2002 l'a creusée dans une conjoncture pourtant très favorable. François Hollande, aussi peu audacieux que systématiquement opposé à la politique réelle, n'a donc pas tiré de vraies leçons de l'échec du PS aux récentes élections.
Ségolène Royal, si, du moins si l'on en croit son entrevue accordée hier au Journal du Dimanche, qui semble se spécialiser dans l'hagiographie politique en titrant "La nouvelle Ségolène Royal".
Le récit fait par la journaliste, qui peine à éviter l'écueil du persiflage, nous présente donc une Ségolène Royal "définitivement délivrée de l'amertume [de la défaite à l'élection présidentielle, ndlr]", "requinquée", "ressourcée", "apaisée", déclarant que "Le temps n'est plus aux règlements de compte" et que le Parti socialiste doit proposer, à l'issue de son processus de refondation qui sera "forcément long", "une ligne moderniste, éclairée et rassembleuse".
Des propos étrangement semblables à ceux qui lui avaient permis de dynamiter le scrutin interne au PS pour la désignation du candidat socialiste à l'élection présidentielle l'an dernier, et qui ne diffèrent pas radicalement de ceux qu'elle a assénés -et dont on se remet difficilement- au cours de cette campagne présidentielle. Pourtant, Madame Royal l'affirme, elle veut tirer les leçons d'un échec qu'elle va finir par appeler par son nom avec un titre évocateur, Une étrange défaite, qui ornera la couverture d'un livre à paraître cet automne.
L'analogie avec L'étrange défaite de Marc Bloch est plutôt prétentieuse, voire douteuse, mais le principal enseignement de tout cela, c'est que Ségolène Royal, qui voit dans la reconnaissance de sa défaite une condition de sa conquête du premier secrétariat du Parti de la Rose -difficile période, d'ailleurs, pour ceux qui se réclament de cette fleur, avec la double défaite du XV anglais face aux Bleus-, est prête à toutes les concessions sur ce sujet, du moment qu'elle peut continuer à utiliser les mêmes formules creuses et éculées. Comme quoi, malgré le double traumatisme de 2002 et 2007, rien n'a vraiment changé rue de Solférino.
En témoigne la fin de cet article édifiant :
Elle s'emploiera à proposer des idées neuves. En phase avec l'évolution de la société, des idées qui constitueront progressivement un corpus idéologique, une ligne politique "moderniste, éclairée et rassembleuse". Pas question que se reproduise le flottement idéologique qui a prévalu pendant la campagne sur des questions aussi importantes que les 35 heures, le temps de travail, la sécurité, ou le besoin de protection des citoyens.
Convaincue que les nouveaux adhérents du PS gagnés en 2007 attendent autre chose que des vieux sujets mille fois ressassés, Ségolène Royal ne regrette pas le départ de ceux qui n'ont pas résisté aux sirènes de l'ouverture sarkozyste. "Au contraire, cela crée un appel d'air." Un appel d'air qu'elle a bien l'intention d'utiliser à son profit. Foi de Ségolène. "Lorsque j'étais à la Guadeloupe, tous ceux que je croisais m'appelaient 'la femme debout'. Comme au temps de la campagne. Rien ne m'a fait plus plaisir. Rien ne correspond plus à la réalité qui est la mienne aujourd'hui."

Pourquoi feindre une telle sérénité quant à son avenir politique, alors que l'ex-députée des Deux-Sèvres, qui n'est maintenant plus que présidente du Conseil régional de Poitou-Charentes, a probablement fait une erreur capitale en ne se présentant pas aux élections législatives ? Elle justifiait cette décision hasardeuse en se réfugiant derrière l'excuse du non-cumul des mandats. Que n'a-t-elle, de ce fait, renoncé à une région manifestement inutile pour gagner une réelle crédibilité pour gouverner ? Alors qu'au Palais Bourbon, à condition d'y être assidue, elle aurait pu tenter de participer au travail de l'opposition, dont elle aurait facilement pu prendre la tête lors des débats, bien qu'étant faible oratrice.
Si elle parvient à prendre la succession de François Hollande l'an prochain, elle sera condamnée au grand écart entre son exigu fief picto-charentais et Paris, sans y avoir une assise suffisante, laissant ainsi le champ libre au gouvernement. On risque ainsi d'avoir, pendant cinq ans, une opposition stérile, incapable de proposer la moindre alternative à la politique du gouvernement. La France ne marchera donc que sur une jambe, visiblement alourdie par l'atonie de son économie.
De tout cela, j'aurais aimé que les médias parlent davantage. Mais qu'attendre d'un système médiatique dont le fonctionnement repose sur l'amnésie systématique ? Il nous présente Ségolène Royal comme si la preuve de sa vacuité et de sa vanité politiques n'avait pas déjà été apportée par la campagne présidentielle. Encore quelques interviews comme celle du "JDD", et Madame Royal apparaîtra à une opinion publique hébétée par l'avalanche d'informations comme la solution à l'échec -probable, je le crains- du gouvernement Fillon. Avec les conséquences que l'on est en droit de redouter. Si Ségolène Royal affirme avoir changé, mon jugement sur l'archaïsme idéologique et doctrinaire de la gauche française, lui, reste intact.
Roman B.


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