C’est un article qui pouvait passer inaperçu, et pourtant il réveille en moi ce souvenir de la naissance d’une conscience politique.
Steve Biko est mort en 1977, l’année de ma naissance, d’une lésion cérabrale dans une cellule de la prison de prétoria, après avoir fait 1.200 kilomètres à l’arrière d’une jeep sur des routes que l’on devine peu à même de favoriser le rétablissement d’un homme bléssé jsuque dans les tréfonds de son cerveau.
De son histoire, Donald Wood tira un livre, Biko. Relatant la vie du leader nori et sa rencontre qui se mua en amitié, ce livre servit de base au film de Richard Attenborough Cry Freedom.
Petit retour en arrière sous forme de flash back psychanalytique: 1987, sorti de Cry Freedom, j’ai 10 ans et mon père nous propose d’aller voir ce film un peu dur au cinéma. Plus rien ne sera pareil ensuite.
Quelque semaine plus tard, après avoir lu, demandé et compris beaucoup de choses, je rédige une rédaction qui marque le début de mon refus de l’exclusion, de la misère, de la haine des autres, de la ségrégation sous toutes ses formes, qu’elle soit politique, raciale, économique, religieuse.
En cours de français, le thème qui nous est proposé est “que feriez vous si vous étiez invisible pendant 24H?” Alors que mes petits camarades jouent le jeu du buccolique, de l’espionnite etc je décide d’aller libérer Nelson Mandela. Etonnante naïveté quand on sait les contingences imposées par les voyages en avion !! A l’époque seule ma prof d’histoire Mme Richard savait qui était Nelson Mandela. Pourtant la communauté internationale obtiendra sa libération l’année suivante, notamment après que le succès de Johnny Clegg & Savuka ait projeté l’attention du monde sur le sort du futur prix Nobel de la paix.
Avancé dans le temps, Novembre 1995, Bac en poche, entré à Sciences-po Bordeaux par hasard (et ressorti la même année), au cours d’une conférence de culture générale, à l’occasion de ma carte blanche, j’évoque la situation du Timor Oriental quand celui-ci n’est encore qu’un point sur une carte en dépit des 200.000 morts et des milliers de déplacés. Encore une fois c’est l’ouverture du feu médiatique et l’intervention de l’ONU (mais aussi le départ du général Suharto) qui fera progressivement changer les chose.
J’eu alors cette réflexion de la part de mon prof:
“Pour quelle raison nous avez parlé du Timor, pour que l’on ne puisse pas vous poser de question?”
Avec le recul je ne sais pas encore si c’était une provocation mais la réponse fusa aussi rapidement qu’une balle “j’estime que dans le silence médiatique actuel, la mort de 200.000 personnes necéssitait au moins le quart d’heure d’une carte blanche”. Sourire entendu de mon prof et question supplémentaire:
“Vous connaissez ce film?” dit-il en désignant l’inscription sur le tableau. Elle indiquait la projection de Cry Freedom dans l’un des amphis de notre vénérable institution. Sourire entendu, rapide description, comme on se retrouve.
Quand je vois le mépris avec lequel la classe politique traite les petites gens, la condescendance et la fausse attention qu’il leur prête, les grandes déclarations suivies d’accord avec des bouchers, je me dis que peut être ils auraient dû aussi avoir un père qui les amène voir Cry Freedom. Et aussi une prof d’histoire qui projète “nuit et brouillard”, mais c’est une autre histoire.